Annie et Pierre Péguin, octobre 2022
Face à la pression médiatique et politique destinée à convaincre la population de la nécessité de relancer la construction de réacteurs atomiques, il convient de rappeler quelques évidences qu’on tente de nous faire oublier, voire de nous cacher.
Les mensonges
– L’électricité nucléaire est une énergie décarbonée. Si on considère tous les matériaux, et tous les transports nécessaires au développement de la filière nucléaire, depuis l’extraction de l’uranium jusqu’au démantèlement des centrales et la gestion des déchets atomiques pour des temps infinis, on peut difficilement prétendre que l’électricité produite est une énergie décarbonée ! (1)
– Énergie pas chère, (2). Le coût du nucléaire est maintenant plus élevé que celui des renouvelables. c’est pourquoi les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables dépassent de loin ceux dans le nucléaire . Ainsi le coût de l’éolien offshore est annoncé comme étant 2 fois moins cher. De ce fait l’électricité nucléaire ne couvre même pas 10 % de la consommation totale d’électricité dans le monde, soit moins que l’éolien et le solaire réunis (3).
– Indépendance énergétique. (4) L’« indépendance énergétique » acquise grâce au nucléaire n’est qu’un mensonge d’État. En effet, Il n’y a plus d’extraction d’uranium en France, nous sommes dépendant des importations provenant du Kazakhstan, du Niger, d’Ouzbékistan…
C’est au groupe Russe Rosatom qu’est confié le recyclage d’uranium issu du retraitement à la Hague. Un navire russe vient d’en faire une livraison à Dunkerque. Apparemment les sanctions ne concernent pas les échanges avec la Russie dans le domaine atomique !…
Ce dont on se garde bien de parler
– Risque de catastrophe. Tchernobyl il y a 36 ans et Fukushima il y a 11 ans ont malheureusement démontré que le risque de catastrophe est réel et que les conséquences sur les êtres vivants, les cauchemars vécus par les malheureuses victimes et leurs descendants pendant des années, sur des territoires au minimum grands comme des départements et sur le budget du pays concerné, devraient en faire une énergie inacceptable.
En France, à au moins 3 reprises, la catastrophe a été frôlée (St Laurent des Eaux 1969 et 1980, Blayais décembre 1999, la prochaine aura-t-elle lieu chez nous ou en Ukraine où la menace grandit autour de la centrale de Zaporijjia, faisant craindre le pire pour l’Europe ?
– Trop polluant. Toutes les centrales en activité rejettent de la radioactivité dans le milieu ambiant que ce soit l’air ou l’eau. Il en va de mème pour les usines qui assurent le cycle du nucléaire, telles que Malvesi, Cadarache, Marcoule, Pierrelatte, Romans, et d’autres, mais c’est surtout le cas de l’usine de retraitement de la Hague qui fait du Cotentin la région la plus touchée du pays.
Et aucune solution satisfaisante n’a été apportée à l’accumulation des déchets radioactifs. Que ce soient ceux de la fission de l’uranium hautement radioactifs retraités à la Hague pour lesquels le projet d’enfouissement à Bure est un leurre, ou des millions de tonnes de matériaux faiblement radioactifs ainsi que des stériles des mines d’uranium.
– Contamination du vivant. La santé des espèces vivantes, humains compris, est tributaire d’un environnement ne comportant que de faibles rayonnements issus du sol ou reçu de l’espace.
La désintégration de l’uranium et de ses descendants engendre la prolifération de multiples radioéléments qui n’existent pas à l’état naturel (5), ils s’intègrent au vivant, se concentrent le long de la chaine alimentaire, et nous contaminent par ingestion pouvant s’attaquer au métabolisme de nos cellules et à leur ADN. Les conséquences n’en sont pas immédiates, mais n’y aurait-il pas un lien avec la prolifération des cancers, leucémies, maladies diverses qui ne seraient pas seulement dues aux pollutions des produits chimiques? Même si les liens directs sont bien difficiles à établir – sauf pour le cancer de la thyroïde que les pronucléaires ont été obligés de reconnaître – les victimes déclarées dûment reconnues au voisinage des centres atomiques, en Polynésie, ou en Biélorussie l’attestent.
On sait maintenant que même les faibles doses de contamination ont des effets sur la santé, et plus grave encore sur la reproduction: les cellules sexuelles y sont particulièrement sensibles. C’est une atteinte à notre génome pouvant provoquer des avortements, des naissances monstrueuses, ainsi que des mutations transmissibles. Depuis les débuts du nucléaire, le lobby occulte cette contamination du vivant, il ne retient que l’irradiation directe et minimise considérablement le nombre de victimes, civiles ou militaires. Mais la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) reconnaît que toute dose de radioactivité comporte les risques mutagène, cancérogène, et autres.
De plus les puissances nucléaires disposent de gros stocks d’U 238 rebut de l’enrichissement du combustible, c’est un métal lourd que les forces armées utilisent en tête d’obus pour percer les blindages, largement utilisés en Irak par les US . Il émet des rayons alfa, et les poussières disséminées et ingérées provoquent de gros dégâts chez les vétérans et dans la population (en particulier naissances de monstres!).
– Rechauffement climatique. On s’en préoccupe à juste titre et le nucléaire est présenté comme un recours, ce qui paraît convaincre les jeunes générations, mais en est-il vraiment un ? L’ouvrage d’Hervé Kempf Le nucléaire n’est pas bon pour le climat montre bien ce qu’il n’en est rien (6).
Non seulement il ne fournit pas une énergie vraiment décarbonée, mais en outre il contribue au réchauffement climatique, comme le font toutes les centrales thermiques. Le rendement des centrales étant à peine de 30 %, par conséquent 70 % de l’énergie dégagée par la fission de l’uranium dans les 56 réacteurs est dissipée en chaleur dans l’eau et dans l’air. Des recherches récentes en démontrent l’importance significative par rapport aux autres causes (7).
– Trop vulnérable. La sécheresse de ce printemps et de cet été a démontré la vulnérabilité des réacteurs au dérèglement climatique : énormes consommateurs d’eau pour leur refroidissement, ils sont dépendants du régime fluvial. EDF a dû obtenir des dérogations pour poursuivre la production de plusieurs d’entre eux malgré la température trop élevée et/ou l’étiage insuffisant de l’eau des fleuves.
La tempête de l’hiver 1999 a montré la fragilité au risque d’inondation de la centrale du Blayais, et le tsunami de mars 2011 au Japon a provoqué la catastrophe de Fukushima. Qu’en sera-t-il des nouveaux EPR construits en bord de fleuves ou de la mer ?
– Le nucléaire fragilise les pays qui l’utilisent : La guerre en Ukraine, pays nucléarisé démontre les risques immenses que font courir les centrales nucléaires. Elles deviennent des cibles de guerre et possiblement de terrorisme.
Enfin, et cela peut servir de conclusion.
Quelle folie peut conduire ceux qui nous gouvernent à prétendre relancer la construction de réacteurs, alors que nos voisins européens abandonnent le nucléaire qui ne représente plus que 2 % de l’énergie globale consommée dans le monde entier ? Ils ne s’en sortent pas plus mal et ne sont pas retournés à l’ère des cavernes ni même à celle de la bougie !
Du fait de sa centralisation et de la concentration du pouvoir qui en résulte, la France peut imposer le choix politique de son développement, en assumer les coûts, en cacher les effets sanitaires et neutraliser l’opposition à cette technologie mortifère.
Tandis que les humains de la préhistoires nous ont légués de magnifiques peintures rupestres, nous laissons sans honte à nos descendants des déchets toxiques et radioactifs extrêmement dangereux pour des centaines de milliers d’années. Voir l’excellente BD d’Etienne Davaudeau (8).
D’autres solutions existent, des études, dont certaines présentées par RTE (Réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF) démontrent la faisabilité de scénarios 100% renouvelables associés à la sobriété.
Les énergies renouvelables ne réchauffent pas l’environnement, elles transforment les énergies reçues gratuitement du soleil en électricité. Elles ne génèrent pas de gaz à effet de serre. Le démantèlement des équipements mis en place pour les capter est infiniment plus simple que celui des réacteurs atomiques, et n’abandonne pas pour des dizaines de milliers d’années des masses de produits radioactifs.
Elles sont une source importante d’économie financière alors que le nucléaire est un puits sans fond de sommes colossales. Comment ne pas rêver à tout ce qu’on aurait pu réaliser avec cet argent pour améliorer le bien-être de tous, à commencer par celui de l’isolation des habitats ?
Certes elles ne doivent pas être installées n’importe où, une gestion plus démocratique de leur installation les rendrait plus acceptables.
Pourquoi faudrait-il attendre la catastrophe pour arrêter le nucléaire (9) ? Attend-t’on qu’un immeuble s’effondre pour en évacuer les habitants? Ne serait-il pas préférable de mieux utiliser provisoirement des centrales thermiques (celles au gaz plus fiables et moins polluantes ont le meilleur rendement 50%), le temps de pouvoir les arrêter aussi?
Références
(1) Que ce soient les mines d’uranium, le transport des minerais, l’affinage à Malvesi, le conditionnement en oxyde de l’uranium, l’enrichissement au Tricastin, l’élaboration des « crayons » de « combustible *», les transport vers les réacteurs qu’il a fallu construire, leur acheminement vers la Hague pour être « retraités », enfin le démantèlement des réacteurs et la gestion des déchets pour l’éternité !
*C’est à tord que le terme « combustible » est employé communèment, puisque les atomes d’uranium ne brulent pas, ils se fissurent en dégageant de la chaleur et en émettant des rayonnements dangereux.
(2) D’après Fabrice Nicolino (https://fabrice-nicolino.com/?p=5553), le chiffrage total du cout de la production nucléaire d’électricité, soigneusement dissimulé, est difficile à faire. Quelques éléments montrent l’étendue du gouffre financier. En janvier 2012, la cour des comptes estime que le nucléaire a déjà coûté 228 milliards € depuis les années 50, combien depuis? S’y ajoutent les recherches 55 milliards, le démantèlement des vieilles centralesse dizaines de milliards, renationalisation EDF, dont la dette approche les 50 milliards, 10 milliards, enfouissement 8 milliards au moins de subventions accordées à Areva-Orano, 100 milliards de travaux de sécurisation des vieux réacteurs, coût de l’EPR de Flamanville qui a dépassé les 20 milliards, etc.
(3) https://reporterre.net/Dans-le-monde-l-eolien-et-le-solaire-depassent-le-nucleaire
(4) https://reporterre.net/Non-la-France-n-est-pas-independante-grace-au-nucleaire#forums,
(5) hubert Greppin « Effets des radiations ionisantes » dans « Radioprotection et droit nucléaire » ivo Rens,, ed Georg,1998.
(6) Hervé Kempf “Le nucléaire n’est pas bon pour le climat”, ed Seuil, 2022.
(7) Francois Vallet: https://blogs.mediapart.fr/francois-vallet/blog/091121/l-energie-nucleaire-rechauffe-la-planete-et-le-climat, Les émissions de chaleur des centrales nucléaires rapportées à la surface du pays ont été de 0.26 W/m² en 2018. Les émissions totales de chaleur du pays ont été de 0,55 W/m² pour la même année. Ce qui veut dire que le nucléaire serait responsable de la moitié de la contribution du pays au rechauffement climatique, si ces calculs sont confirmés!
(8) Etienne Davaudeau « Le droit du sol » ed Futuropolis, 2021. L’auteur a parcouru à pied les 800 kms qui séparent la grotte de Pech Merle et ses peintures supestres, à Bure où on prétend enfouir les déchets radioactifs pour des centaines de milliers d’années….
(9) voir le site du collectif Arrêt du Nucléaire (ADN) http://collectif-adn.fr/