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Nucléaire et électrification générale: l’impasse

par Stéphane Lhomme

Directeur de l’Observatoire du nucléaire

Mars 2023

Un résumé du présent article, comportant plusieurs extraits, est paru sous ce même titre

dans la revue Nature &Progrès, No 142 d’avril-mai 2023

Comme elle a tenté de le faire vainement au début des années 2000, l’industrie nucléaire essaye à nouveau d’instrumentaliser la crise climatique pour se présenter comme une solution pour « sauver la planète ». Outre le caractère absurde de cette option – on ne « sauvera » rien ni personne avec une énergie qui cause des catastrophes et produit des déchets qui vont rester dangereux pendant des millénaires – il apparait surtout qu’il s’agit d’une totale illusion qui pourra seulement faire perdre de l’argent, du temps… et de l’énergie.

Vingt ans plus tôt…

Les plus jeunes n’ont pas connu cette époque et les autres l’ont peut-être oubliée, alors faisons un petit flash-back : au début des années 2000, la grande majorité des médias ont déroulé le tapis rouge à Mme Lauvergeon, présidente du groupe nucléaire Areva. Présente sur toutes les ondes et dans tous les journaux, la dame était en train de « rénover l’atome », d’en faire une énergie « triomphante » appelée à construire des centaines voire des milliers de réacteurs partout sur Terre, et ce avec un argument principal : émettant beaucoup moins de co2 que les énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon), le nucléaire allait purement et simplement « sauver le climat ». Les publicités d’Areva, omniprésentes, vantaient de façon parfaitement mensongère une énergie « sans co2 », et les médias célébraient le prétendu « grand retour du nucléaire » : longtemps honnie du fait de la catastrophe de Tchernobyl (débutée le 26 avril 1986), cette énergie était enfin réhabilitée et allait réaliser de véritables miracles.

Mais voilà, faire du bla-bla ne fait pas pousser les réacteurs nucléaires et, surtout, ne les finance pas. C’est ainsi que, après presque 10 ans d’efforts, Mme Lauvergeon a commencé à douter de l’efficacité de sa campagne. Le 10 septembre 2009, devant un parterre de décideurs et d’industriels lors du symposium annuel de l’Association mondiale du nucléaire (World Nuclear Association, WNA), elle lança l’alerte : « Ce n’est plus le moment de parler de la relance du nucléaire, maintenant il faut passer aux actes (…) nous devons construire des centrales et des infrastructures« .

En effet, les dirigeants des entreprises susceptibles de construire des réacteurs dans le monde se sont longtemps regardés sur le thème « Bon eh bien… qui se lance ? »… mais personne ou presque n’a souhaité investir des milliards dans l’atome. Rien à voir avec les risques et les déchets radioactifs, ces gens là s’en moquent bien et l’argent public sera toujours là pour payer les pots cassés. Non, leur problème était que les centrales étaient devenues trop difficiles à construire et que les estimations annonçaient une production d’électricité totalement ruineuse. 

Résultat : le prétendu « grand retour du nucléaire » ne s’est pas produit. Areva a bradé un EPR en 2003 à la Finlande à 3 milliards et deux EPR en 2007 à la Chine à 3,66 milliards… les deux. Aux USA, seuls deux AP1000 – le cousin américain de l’EPR – ont été mis en chantiers en Géorgie au lieu des dizaines de réacteurs annoncés un peu partout. 

Mme Lauvergeon a abattu sa dernière carte avec une ruineuse campagne publicitaire diffusée début 2011 dans des dizaines de pays dans le monde et basée en particulier sur une animation titrée « L’épopée de l’énergie » (que l’on peut voir encore en ligne, par exemple ici : https://cutt.ly/t8Fk98o ). Patatras, arrive Fukushima, la campagne est stoppée en catastrophe (c’est bien le mot !) et le prétendu « grand retour du nucléaire » disparait enfin des discours et des médias…

Vingt ans plus tard…

Nous voilà désormais au début des années 2020, donc vingt ans plus tard et12 ans après le début de la catastrophe de Fukushima : des études bidon sont publiées pour assurer que ce désastre n’a fait « aucun mort » (!) et à nouveau, comme pour Tchernobyl, on nous explique qu’il s’agit d’histoires anciennes auxquelles il ne faut plus penser. 

Et, une nouvelle fois, le climat est mis en exergue pour justifier le projet de construire des réacteurs nucléaires partout sur la planète. En majorité, les médias reprennent la nouvelle formule qui leur a été soufflée : ce n’est plus le « grand retour » comme vingt ans plus tôt, c’est « le retour en grâce » du nucléaire ! L’expression fait fureur, elle sert de titre à des dizaines d’articles, dossiers, reportages…

En France, le 10 février 2022, le Président Emmanuel Macron annonce carrément la construction de 6 à 14 réacteurs. EDF étant en très grave échec sur le chantier du réacteur EPR de Flamanville, il s’agira de réacteurs baptisés « EPR2 » : « simplifiés », bien plus « faciles à construire  » et « moins chers ». Yapluka !

Dans d’autres pays comme la Pologne, la Suède ou les Pays-Bas, des politiciens ignorants croient aux balivernes de l’industrie nucléaire et annoncent eux aussi la construction de nouveaux réacteurs. 

De « nouveaux » réacteurs impossibles à construire et à financer…

Tout comme le prétendu « grand retour du nucléaire » il y a 20 ans, l’actuel « retour en grâce du nucléaire » va se dégonfler totalement face à la réalité. Car, s’il est facile de faire du blabla avec sa bouche, autre chose est de faire réellement construire des réacteurs nucléaires, ne serait-ce déjà que d’en trouver le financement.

Ainsi, en France, EDF est en très grave échec industriel, incapable de finir l’EPR en chantier à Flamanville (Manche). Ce réacteur devait être construit en 4 ans et entrer en service en 2012, il a donc déjà 11 ans de retard, et le bout du tunnel s’éloigne au fil du temps : présentant continuellement de nouvelles et graves malfaçons, le réacteur risque encore d’attendre des années sa mise en service… qui pourrait finalement ne jamais avoir lieu.

Alors on se demande bien par quel tour de passe-passe EDF serait subitement en capacité de construire 6 à 14 nouveaux EPR dans les années à venir, d’autant que l’incompétence n’est pas le seul grave problème pour ce projet. En effet, il y a un terrible manque de personnels qualifiés (ingénieurs, techniciens, en particulier des soudeurs spécialisés, etc). EDF a déjà le plus grand mal à trouver du monde pour entretenir les réacteurs actuels et les réparer (affaire de la corrosion, voir plus bas), alors avec qui lancer de nouveaux chantiers ?

D’autre part, EDF tente avec les plus grandes difficultés de construire deux EPR en Angleterre. Rappelons déjà qu’il ne s’agit pas là d’une commande des Britanniques : EDF a d’abord racheté British energy au prix fort (16 milliards en 2008… juste avant la crise mondiale qui a vu les cours s’effondrer !). Donc c’est finalement EDF qui a commandé deux EPR à EDF ! Et tout ça avec notre argent… 

Bien sûr, comme en Finlande et à Flamanville, et malgré les belles assurances données (« nous avons tenu compte des difficultés des précédents chantiers, cette fois tout va bien se passer »), les retards se comptent d’ores et déjà en années, le budget explose et c’est encore et toujours EDF – c’est-à-dire nous – qui va tout payer… en creusant son déficit par de nouveaux milliards !

EDF est objectivement en situation de faillite, plombée par les flops des chantiers EPR et par le délabrement des réacteurs actuels. L’Etat français renfloue régulièrement l’électricien pour lui permettre de continuer à fonctionner, mais la dette est impossible à rembourser (c’est interdit par la législation européenne et, de toute façon, elle est trop lourde pour un Etat lui-même en très grave déficit). Alors comment financer de nouveaux réacteurs ?

Les suicidaires politiciens suédois annoncent vouloir commander… des EPR à EDF ! Prudents, les nucléocrates Néerlandais ne précisent pas de quels réacteurs ils rêvent. Quant aux Polonais, ils auraient choisi le concurrent américain de l’EPR, l’AP1000 : ce dernier devait être construit à des dizaines d’exemplaires aux USA mais, finalement, tous les projets ont été annulés sauf celui de Vogtle (Géorgie) où deux réacteurs sont en chantiers infinis (ils sont déjà plus de 7 ans de retard) avec un budget explosé : on se croirait à Flamanville !

Les réacteurs actuels en état de délabrement généralisé

Pour produire de l’électricité, EDF ne pourra donc pas compter sur de nouveaux réacteurs avant au moins 2045 ou 2050… et en réalité probablement jamais. Etant donné qu’aucune alternative au nucléaire n’a été sérieusement mise en œuvre – la France est le pays de l’Union européenne le plus en retard dans le développement des énergies renouvelables – la seule option qui reste à EDF est d’essayer de faire durer le plus longtemps possible les réacteurs actuels. On parle de façon irresponsable de 60 ans voire 80 ans de durée de vie : il est vrai que même un réacteur récent est dangereux, mais que dire d’un réacteur délabré prolongé au-delà de toutes limites ?

Mais en réalité on se demande bien comment la vie de ces réacteurs pourrait être prolongée alors qu’ils sont d’ores et déjà frappés par des défaillances de plus en plus graves. En 2022 est ainsi apparue l’affaire de la « corrosion sous contrainte » : des fissures sur des systèmes de sûreté très importants ont été découvertes sur au moins 16 réacteurs sur 56). De façon une fois de plus irresponsable, la prétendue « autorité de prétendue « sûreté » nucléaire (ASN) a laissé à EDF jusqu’à 2025 pour vérifier la présence de corrosion sur tous les réacteurs dont certains vont donc continuer à fonctionner avec une incertitude majeure sur la disponibilité de leurs systèmes de sûreté.

Et début mars 2023, une nouvelle affaire très grave est avouée par EDF concernant le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Penly : une fissure dans un endroit inattendu, d’une profondeur de 23 mm pour un tuyau d’une épaisseur de 27 mm : il ne restait plus que 4 mm avant la rupture ! Dès le lendemain, deux nouvelles fissures sont découvertes dans les centrales de Penly et Cattenom. Il est clair que le parc nucléaire actuel est dans un état de délabrement avancé qui va entrainer des arrêts de réacteurs de plus en plus nombreux et fréquents (sans parler du risque d’accident nucléaire) et maintenir la France en état de dépendance vis-à-vis de ses voisins et en particuliers de l’Allemagne qui, depuis longtemps déjà, alimente massivement la France en électricité.

La part du nucléaire dans l’énergie mondiale est infime et en déclin

Le nucléaire produisait 17,1% de l’électricité mondiale en 2001 or, aujourd’hui, cette part n’est plus que de 9,5% : il ne s’agit pas d’une simple baisse mais d’un véritable effondrement, commencé d’ailleurs bien avant le désastre de Fukushima. 

Ce phénomène va d’ailleurs continuer et s’accélérer : sur les quelques 400 réacteurs nucléaires encore en service sur Terre, la grande majorité est en fin de vie. Certes, les autorités de sûreté accordent (de façon insensée) des prolongations de durée de vie mais cela ne fait que retarder un peu l’inéluctable. Dans tous les cas, dans les 20 ans à venir, ce sont entre 100 et 200 réacteurs qui vont fermer définitivement, les autres suivant de près.

Les tenants de l’atome tentent de sauver la face en rappelant qu’une cinquantaine de réacteurs est en construction dans le monde (essentiellement en Chine d’ailleurs) mais, si c’est évidement regrettable du point de vue antinucléaire, cela ne fera que freiner un peu la suite de la chute rapide du nucléaire. 

Notons enfin que la part de l’électricité dans la consommation mondiale d’énergie est d’un peu moins de 20%. De fait, le nucléaire couvre moins de 2% de la consommation mondiale d’énergie, une part infime et en déclin : les gens qui prétendent que le nucléaire, émettant peu de co2 (ils disent même qu’il n’en émet pas du tout, ce qui est un mensonge), est à même de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, et carrément de « sauver le climat », sont des imposteurs. 

L’impossible électrification générale de la société mondiale

L’électricité couvrant moins de 20% de la consommation mondiale d’énergie, et le nucléaire moins de 10% de l’électricité mondiale, les adorateurs de l’atome ont « la » solution : il « suffit » d’électrifier massivement l’économie mondiale et, tant qu’on y est, de faire du nucléaire la source la plus importante de production d’électricité dans le monde.

Il ne s’agit là que de bavardages qui n’ont aucune chance de se réaliser, même partiellement. Comme déjà vu, la part du nucléaire dans le monde ne cesse de décliner, phénomène qui va continuer de façon inéluctable. Dans ses scenarios les plus fous, l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) imagine la construction sur Terre de centaines de nouveaux réacteurs, portant leurs nombre jusqu’à mille (contre 400 actuellement), tout ça pour seulement parvenir… à maintenir la part du nucléaire à environ 10% de l’électricité mondiale, et donc à 2 ou 3% de la consommation mondiale d’énergie.

Il faut déjà comprendre que l’électrification générale de la société mondiale est un doux rêve. Le seul projet de remplacer à marche forcée les voitures thermiques par des voitures électriques se heurte à des réalités matérielles et financières incontournables. D’ailleurs, la décision prise au niveau de l’Union européenne d’interdire la commercialisation de voitures thermiques à partir de 2035 est en voie d’être annulée, non pas sous la pression d’un implacable « lobby des moteurs thermique et du pétrole » (même si ce lobby existe) mais tout simplement parce que tous ceux qui travaillent sur ces questions savant qu’une telle bascule est totalement impossible sur les plans industriels et financiers.

Et à supposer que, d’un incroyable coup de baguette magique, des centaines de millions de voitures thermiques (sur un total de 1,4 milliard sur Terre) soient remplacées par des voitures électriques, personne ne sait comment celles-ci pourraient être rechargées. Au « mieux » par d’innombrables centrales électriques alimentées au charbon (!), qui peuvent être construites en peu de temps et à moindre frais, mais dans ce cas on ne voit pas l’intérêt de rouler l’électrique (sachant de plus que la fabrication des batteries d’une voiture électrique émet à elle seule, en co2, l’équivalent de l’utilisation d’une voiture thermique pendant 10 à 15 ans !)

De toute façon, à supposer qu’une électricité « propre » et en grande quantité apparaisse subitement sur Terre (ce qui est impossible), électrifier l’ensemble ou du moins une bonne partie du monde (transports, industrie, chauffages des habitations, etc) demanderait des investissements pharaoniques pendant des décennies, probablement un siècle. On est dans la totale illusion, et de toute façon ce serait bien trop tard pour lutter contre le changement climatique, qui nous frappe d’ores et déjà.

Astrid, Thorium, Fusion : le bal des illusions nucléaires

Les adorateurs de l’atome n’ont plus, pour soutenir leurs rêves radioactifs fous, que la foi dans des technologies « miraculeuses ». Il est par exemple question du projet Astrid, abandonné d’ailleurs par la Commissariat à l’énergie atomique. Il s’agit en réalité d’un successeur du surgénérateur Superphénix qui n’a jamais correctement fonctionné en France. Les autres pays nucléarisés ont tous échoué dans cette voie : le surgénérateur allemand de Kalkar a fermé sans jamais avoir pu être mis en service, celui de Monju au Japon a connu une suite ininterrompue d’incident dont un terrible incendie avant d’être fermé à son tour, les USA ont abandonné leurs projets similaires. Seuls les Russes parviennent à faire hoqueter tant bien que mal leur BN800… qui ne réalise pour autant aucun des « prodiges » attendus, en particulier le fait de « produire plus de matières fissiles qu’il n’en consomme ».

On voit aussi ressortir régulièrement sur les forums ou dans les médias la « solution » de la filière thorium : au lieu de l’uranium, il « suffit » d’utiliser du thorium, option qui ne comporterait « que des avantages » : abondance sur Terre, pas de production utilisable à des fins militaires, etc. Seul petit « détail » : les réacteurs « au thorium » (qui n’existent que sur le papier) sont eux aussi des surgénérateurs, comme Superphenix, Kalkar, Monju : retour à la case échec !

Il ne reste plus aux atomistes que la foi en la fusion nucléaire, dont les physiciens eux-mêmes disent « C’est une énergie d’avenir, le problème est qu’elle le restera toujours ! ». A Cadarache, en Provence, est en construction depuis près de 20 ans l’installation Iter qui regroupe toutes les grandes puissances nucléaires du monde (USA, Russie, Chine, Japon, Corée du Sud, Inde, Union européenne) et qui est d’ores et déjà un échec total et un puits financier sans fond qui engloutit des dizaines de milliards. Fin 2022, on a appris qu’il fallait même détruire une partie de ce qui a été péniblement construit pour en extraire des pièces gigantesques qui présentent de graves malfaçons et tenter de les réparer, ce qui prendra des années… sans certitude de pouvoir y parvenir.

Que ce soit à propos d’Iter ou de quelques autres installations dans le monde (le NIF aux USA, le Mégajoule en France, etc), la fusion fait depuis 40 ans l’objet de communications fracassantes annonçant « une avancé e décisive vers la maîtrise de la fusion nucléaire » (cf par exemple Le Monde du 12 novembre 1991). Cela permet aux physiciens de décrocher de nouveaux budgets pour faire des recherches assurément passionnantes pour eux… mais qui n’aboutissent et n’aboutiront jamais à rien.

Conclusion

A force de communication massive dans les médias (qui appartiennent pour la plupart à des groupes industriels ou à l’Etat, donc à des structures pro-atome), l’industrie nucléaire française va peut-être obtenir le lancement de quelques chantiers de nouveaux réacteurs « EPR2 », par exemple à Penly (Seine-Maritime), qui ne manqueront pas de tourner au désastre industriel et financier comme les premiers EPR. Cela ne permettra évidement pas de donner une nouvelle vie à l’énergie nucléaire, laquelle est en déclin irréversible sur Terre, mais cela promet de coûter une nouvelles fois des dizaines de milliards qui seraient tellement utiles pour les plans d’économies d’énergie, de développement des renouvelables, ou pour tout autre investissement utile à la société (santé, éducation, culture, etc). Sans même parler des catastrophes déjà survenues (en particulier Tchernobyl et Fukushima) et de celles malheureusement très possibles à l’avenir, ni de la question insoluble et dramatique des déchets radioactifs, le nucléaire est par nature une calamité pour la planète et pour les êtres vivants. 

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Vers l’emploi de l’arme nucléaire en Europe ? 

par Jean-Marc Royer,

Carnets de Guerre #4 Extraits 

30 septembre 2022

Dossier GSIEN – Nucléaire militaire

Source : La Gazette nucléaire 298/299

« La porte du feu nucléaire est ouverte depuis le 24 février 2022 en Europe et à ce jour, elle n’a pas été refermée ». 

Des élargissements de l’Otan aux manœuvres guerrières de part et d’autre
Le 9 février 1990 à Moscou, dans une phrase devenue célèbre depuis, le secrétaire d’état James Baker avait dit à Gorbatchev que : « les discussions entre les deux Allemagnes et les quatre forces d’occupation doivent garantir que l’Otan n’ira pas plus loin : sa juridiction militaire actuelle ne s’étendra pas d’un pouce vers l’est ». Le lendemain, Helmut Kohl, affirmait à son tour : « Nous 

pensons que l’Otan ne devrait pas élargir sa portée ». Neuf ans plus tard, fin avril 1999, le plan d’action pour l’adhésion de nouveaux membres était adopté lors de son 15e sommet à Washington. La Pologne, la Hongrie, la République Tchèque rejoignaient l’organisation militaire et à partir de 2004, onze nouveaux membres étaient successivement intégrés. 

Lors de la conférence de Munich sur la sécurité en 2007, Poutine avait publiquement et clairement indiqué qu’il considérait l’élargissement de l’alliance Atlantique comme une provocation sérieuse qui réduisait le niveau de confiance mutuelle. C’est un fait, l’Otan s’est rapprochée de 1 200 kilomètres des frontières occidentales de la Russie depuis la fin de la guerre froide et la frontière lettone est à moins de 600 km de sa capitale. 

En 1999 également, durant la guerre du Kosovo, l’Otan a participé au conflit par des bombardements massifs (trois cents par jour durant quatre mois !), sans avoir l’approbation du Conseil de sécurité et en violation des articles 5 et 6 de ses statuts qui précisent qu’elle n’est pas une structure offensive, mais défensive. D’autre part, depuis la fin de l’année 2001, l’organisation Atlantique a mené des opérations très largement en dehors de ses périmètres géographiques et légaux d’intervention, à savoir : en Afghanistan, en Mer Rouge, dans le golfe d’Aden, en Océan Indien et en Lybie. 

De son côté, Poutine allait mener huit guerres entre la fin de 1999 et 2022. Pour le récapituler rapidement, il intègre l’administration présidentielle en mars 1997, juste après la première guerre contre la Tchétchénie. Pendant la période où il est chef du FSB – de juillet 1998 à décembre 1999 – se produisent les cinq attentats qui serviront de prétexte au déclenchement de la seconde guerre tchétchène afin de «laver l’affront » de la défaite précédente. Il devient président de la Russie fin 1999, pendant le siège de Grozny. Les combats dévastèrent la capitale tchétchène au point qu’en 2003, les Nations unies la qualifièrent de « ville la plus détruite sur Terre ». En 2008, Poutine a mené une guerre éclair contre la Géorgie. En 2014, le Donbass et la Crimée étaient envahis, causant la mort de 18 000 personnes en huit années. À partir du 30 septembre 2015, l’État russe a commencé à se déployer militairement en Syrie[vi] afin de soutenir Bachar Al Assad et ses propres intérêts au Moyen- Orient. En 2016, après Grozny et avant Marioupol, Alep était réduite à un champ de ruines. En septembre 2020 une intervention de « maintien de la paix » dans le Haut- Karabakh avait lieu et en janvier 2022, l’armée russe est intervenue au Kazakhstan. 

Les traités de limitation des armes nucléaires sont devenus caducs
En fait, après avoir promulgué le « Patriot Act » à la fin du mois d’octobre 2001, l’administration états-unienne commençait à mettre en œuvre ce qui fut par la suite théorisé comme le « continuum de sécurité globale ». Le 13 décembre suivant, les États-Unis se retirèrent unilatéralement du traité ABM (Anti Balistique Missile) qui limitait drastiquement l’emploi de ces armes nucléaires. George W Bush présenta ce retrait comme une première étape vers la mise au point et le déploiement d’un bouclier de défense anti-missiles destiné, selon lui, à protéger les États-Unis et ses alliés, dont la Russie ( ! ), d’une attaque 

de missiles tirés par des « États voyous », mentionnant notamment l’Iran, la Corée du Nord ou la Somalie… De fait, les anciens traités de maîtrise des armements nucléaires issus de la guerre froide et l’accord de Ciel ouvert entré en vigueur en 2002 ont été remis en cause. Il ne reste à présent que le traité New Start. 

Le 2 août 2019, les États-Unis sortaient officiellement du traité de limitation des Forces Nucléaires à portée Intermédiaire (INF en anglais) conclus en 1987, suivis par la Russie quelques mois plus tard. La route était libre pour une relance de la course aux armements. Dès le lendemain du retrait, le Pentagone publiait la photo du tir d’un nouveau missile Tomahawk suivi de deux autres essais de missiles sol/sol – l’ATACMS « upgraded » et le « Precise Strike Missile ». Un peu plus tard, cette même année, le Pentagone signalait le déploiement du Sous-marin Nucléaire Lanceurs d’Engins « USS Tennessee » avec des missiles Mer-Sol Balistique à tête nucléaire de 5 à 7 Kilotonnes de puissance, tandis que Poutine annonçait la mise au point par la Russie d’une panoplie de nouvelles armes stratégiques toutes réputées quasi impossibles à intercepter, et capables de frapper en n’importe quel point duglobe. 

(…) 

En 2013, Poutine s’engouffre dans la porte ouverte… 

En août 2012, un mois après que le régime de Bachar el Assad ait reconnu posséder des armes chimiques, Barack Obama déclarait que l’utilisation de telles armes constituait « une ligne rouge » à ne pas franchir sous peine « d’énormes conséquences ». Lorsqu’en août 2013, 1 400 personnes dont 426 enfants décédaient suite à l’usage de gaz toxiques lors d’attaques dans la banlieue de Damas, Obama reculait piteusement. Poutine a ainsi trouvé la voie ouverte à une présence impériale en Syrie. Et Bachar a donc continué à se servir du chlore, ce qui fut le cas au moins à trois reprises en 2014 et 2015, sur des localités de la province d’Idleb, ce qu’une commission d’enquête de l’ONU a ensuite confirmé. On ne peut évidemment s’empêcher de rapprocher la reculade d’Obama – et de ses terribles suites pour les populations locales – de la spectaculaire défaite des Etats-Unis en Afghanistan en août 2021, laquelle fut contemporaine des préparatifs militaires d’invasion de l’Ukraine par Poutine. 

L’invasion de l’Ukraine en 2014 et les implantations de missiles US en 2016
Lorsque George W. Bush avait annoncé la sortie du traité ABM au profit d’un « bouclier anti-missiles » dont les premiers éléments devaient être déployés en Pologne et en République tchèque, cela fut assez vite contesté par la fédération de Russie qui y vit une invalidation de sa propre dissuasion nucléaire. En effet, ces missiles pouvaient tout aussi bien permettre des tirs défensifs sol-air – le « bouclier » de G. W. Bush – que des tirs offensifs sol-sol de missiles nucléaires vers le territoire russe. De fait, cela constituait une remise en cause de « sa capacité de frappe en second » et invalidait du même coup la stratégie dite de « dissuasion nucléaire » de la Russie. Les implantations de missiles du « bouclier » devaient finalement se concrétiser, d’abord en Roumanie en mai 2016, puis en 2018 en Pologne. Pour y répondre, les russes déployèrent alors leur système sol-sol Iskander dans l’enclave de Kaliningrad. 

Gazette nucléaire – Janvier 2023 – Page 33 

L’invasion du Donbass et l’annexion de la Crimée en 2014 furent un « coup de poker » minutieusement mis au point par le clan Poutine. Ceci dit, cette blitzkrieg fut d’autant plus facile à réaliser que les Européens ont détourné les yeux et se sont bouchés les oreilles afin de « sécuriser » leurs gigantesques investissements en Russie. Devant les opinions, ils ont continué à justifier leur attentisme par un dogme vieux de deux siècles : « continuons à faire du commerce avec les russes, ils progresseront vers notre modèle libéral ». 

Ce vieux credo raciste a particulièrement sévi en Allemagne depuis 1990, car ce capital voue une reconnaissance éternelle au pouvoir de Gorby (un sobriquet affectif particulièrement en vogue outre-Rhin) pour l’avoir laissé faire le casse du siècle en RDA, un Anschluss plus connu sous le nom de « réunification ». C’est également ce qui explique que, malgré les renseignements concordants et les images satellites à profusion, les européens ne voulaient toujours pas croire à l’invasion de l’Ukraine quelques jours avant qu’elle se produise. « Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir » (dicton populaire). 

Tout s’accélère à partir de juin 2019 

Le nucléaire dans la nouvelle stratégie militaire des USA
Le 11 juin 2019, l’état-major US publie un document intitulé “Nuclear Operations Joint Publication 3-72” qui précise le mode d’emploi de l’arme nucléaire dite tactique: « Integration of nuclear weapons employment with conventional and special operations forces is essential to the success of any mission or operation ». Cette nouvelle conception intègre d’emblée dans la confrontation militaire une dimension nucléaire conçue comme un « continuum de l’engagement conventionnel » avec l’emploi possible de charges nucléaires de faible puissance sur la ligne de front. Ce qui signifie que le nucléaire peut s’utiliser comme n’importe quelle arme dès lors que la cible est militaire et qu’obtenir la victoire l’impose, une évolution qui sera aussi celle de Moscou l’année suivante. Face aux armées chinoise ou russe, ce type d’engagement provoquerait vraisemblablement une riposte du même o

Autrement dit, si l’on rapproche cette nouvelle stratégie militaire des manœuvres annuelles de l’Otan et de ses implantations de missiles, on peut avancer qu’au moins depuis 2016, les Etats-Unis préparent, organisent et accoutument de facto les européens à l’éventualité d’une « bataille nucléaire de l’avant » contre la Russie – pour reprendre la terminologie de la guerre froide – sauf qu’à présent « le glacis » séparant l’Europe de l’Ouest de la Russie est réduit à l’Ukraine. 

En outre, il ne faudrait pas négliger ceci : durant la « guerre froide », les affrontements entre blocs ne se sont pas déroulés en Europe pour de multiples raisons, mais ailleurs, sur ce qui fut alors appelé « des terrains secondaires ». Il se trouve qu’aujourd’hui l’affrontement principal est celui qui se joue entre les États-Unis et la Chine en Asie-pacifique et que l’Europe est justement devenue une sorte de « terrain 

secondaire » dans ce face à face, de tous les points de vue : militaire, économique, politique. 

Last but not least, du point de vue de la « dissuasion », la nouvelle stratégie états-unienne (puis russe, un an après) rend en grande partie caduque l’activation d’un « ultime avertissement unique » dont se prévalaient et se prévalent encore des pays dotés de l’arme nucléaire… Exit donc tous les arguments militaires qui soutenaient ladite « dissuasion nucléaire » depuis plus d’un demi-siècle. 

La nouvelle stratégie nucléaire de la Russie 

Le texte de 2020, listant les « conditions déterminant la possibilité d’emploi de l’arme nucléaire » (point 19), prévoit quatre circonstances : 

– l’obtention « d’informations fiables sur le lancement de missiles balistiques attaquant le territoire russe et (ou) celui de ses alliés » ;
– la réalisation par l’adversaire « d’actes contre des sites étatiques ou militaires d’importance critique de la Fédération de Russie dont la mise hors de fonctionnement conduirait à compromettre la riposte des forces nucléaires » ;

– « l’emploi par l’adversaire d’armes nucléaires ou d’autres types d’armes de destruction massive contre le territoire de la Fédération de Russie et (ou) de ses alliés » ;
– « une agression contre la Fédération de Russie engageant des armements conventionnels, quand l’existence même de l’État est menacée ». 

Le 3 juillet 2021, durant ce qui s’est avéré être des préparatifs de guerre, Poutine a également signé une nouvelle stratégie de sécurité nationale qui se substitue à celle qui était en vigueur depuis 2015, laquelle envisageait encore comme possible le rétablissement d’une relation constructive avec les États-Unis et leurs alliés… Ce n’est plus le cas ici : la confrontation avec l’Occident serait appelée à durer, car ces pays seraient déterminés à affaiblir la Russie aux niveaux militaire, technologique, économique et « spirituel ». Une tentative « d’occidentalisation de la Russie », présentée comme en passe de réussir, serait en jeu. Il y est explicitement indiqué que des forces étrangères tenteront d’exploiter les difficultés internes de la Russie. En outre, à la différence du texte de 2015, l’UE n’est plus mentionnée dans ce texte, ce que les propositions de traité et d’accord de décembre 2021 – uniquement et ostensiblement adressés aux Etats-Unis et à l’Otan – viendront entériner. En d’autres termes, le clan Poutine ne considère pas l’UE comme une puissance militaire, ce qui renforce malheureusement la possibilité de considérer l’Europe comme un « terrain secondaire d’affrontements », et que les Ukrainiens sont en train de vivre dans leur chair. 

Article complet : Carnets de Guerre #4 

Les autres carnets
Carnets de Guerre #1
Notes sur l’invasion Russe de l’Ukraine
Carnets de Guerre #2
L’anschluss de la RDA, première extension de l’OTAN en 1990
Carnets de Guerre #3
Un désastre nucléaire est d’actualité en Europe 

rdre, suivie d’une escalade nucléaire impliquant tous les membres de l’Otan, selon les implications de son article 5. 

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Nucléaire »tactique » :

le mirage de bombes moins dévastatrices

par Sébastien Seibt, France 24

Dossier GSIEN – Nucléaire militaire

France 24. 10 octobre 2022

Source : La Gazette nucléaire 298/299

Alors que la menace d’utilisation d’armes nucléaires grandit, que ce soit du côté de la Russie ou de la Corée du Nord, la discussion tourne essentiellement autour du recours aux bombes dites « tactiques ». Une famille d’armes nucléaires présentées comme « moins puissantes ». Au risque de rendre plus acceptable l’utilisation d’armes de destruction massive ?

C’est un qualificatif qui revient de plus en plus souvent pour évoquer les armes nucléaires. La Corée du Nord a affirmé, lundi 10 septembre, avoir effectué une simulation « nucléaire tactique ». La Russie a multiplié les références à son arsenal nucléaire « tactique » en guise de menace d’intensification de sa guerre en Ukraine. Même Joe Biden, le président américain, y a fait une référence directe en évoquant vendredi le risque d’un « Armageddon » nucléaire si Moscou avait recours à de telles armes sur le champ de bataille.

« Jusqu’à cet été, on parlait essentiellement d’armes nucléaires sans vraiment préciser, et puis on a commencé à recourir de plus en plus souvent au qualificatif ‘tactique' », remarque Jean-Marie Collin, expert et porte-parole de l’Ican France [Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire], la chapelle hexagonale de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires.

Des armes utilisables sur le champ de bataille ?

Un glissement sémantique qui correspond avant tout à un distinguo militaire. Les armes nucléaires tactiques se différencient de leurs ainées stratégiques tout d’abord « à cause de raisons techniques liées à la physique », explique Alexandre Vautravers, expert en sécurité et en armement et rédacteur en chef de la Revue militaire suisse (RMS).

Là où un missile balistique nucléaire cherche à frapper fort sur tous les tableaux – souffle de l’explosion, impact thermique, rayonnement des radiations et des perturbations électromagnétiques –, avec l’arme dite « tactique », « on cherche à maximiser l’onde de choc et minimiser les autres effets pouvant être indésirables, si les propres troupes de l’utilisateur de l’arme ont prévu de traverser la zone battue », précise ce spécialiste.

De ce fait, elles sont considérées plus « mobiles » et peuvent être transportées plus aisément sur un champ de bataille. Rien de tel avec les missiles stratégiques, situés dans des silos, ou embarqués sur des sous-marins et des bombardiers spécialement conçus à cet effet.

Il existe une autre manière de diviser l’arsenal nucléaire, qui « tient à la fonction qu’on accorde à chaque bombe », souligne Fabian Rene Hoffmann, spécialiste des armes nucléaires pour l’Oslo Nuclear Project de l’université d’Oslo.

En théorie, les armes stratégiques « doivent pouvoir être utilisées par les États pour viser directement d’autres nations afin de les dissuader d’attaquer, tandis que ogives tactiques sont censées pouvoir être utilisées directement sur le champ de bataille pour viser des objectifs précis », résume Jana Baldus, spécialiste des questions de contrôle des armes nucléaires au Peace Research Institute de Francfort.

Les armes nucléaires tactiques sont présentées comme étant plus précises et leurs effets plus limités : « L’explosion a lieu à très basse altitude ou au niveau du sol ; l’objectif est la destruction d’une infrastructure ou d’une cible précise et les effets peuvent se limiter à un rayon de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres », précise Alexandre Vautravers.

D’un point de vue opérationnel, c’est l’ultime recours sur le champ de bataille quand une armée fait face à un danger que les armes conventionnelles ne sont pas en mesure d’écarter efficacement, ou pour viser un objectif trop grand pour de simples missiles. Il pourrait, à ce titre, être utilisé pour détruire une colonne de chars qui s’avance vers la ligne de front ou pour viser une base aérienne militaire d’une taille importante.

La tentation de banaliser l’arme nucléaire

Mais ce sont des différences théoriques. En effet, aucune bombe nucléaire – quel que soit son type – n’a été utilisée durant un conflit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et « la frontière entre les deux catégories demeure très artificielle. Les États-Unis et la Russie ont débattu à de nombreuses occasions de ce qui relevait du ‘tactique’ ou du ‘stratégique’ sans réussir à se mettre vraiment d’accord », souligne Jana Baldus.

Ce flou se retrouve même dans les documents officiels de l’Otan. Leur récapitulatif de la « définition des forces nucléaires » prouve le grand écart qu’il y a entre, par exemple, la vision française des armes nucléaires stratégiques – dont la « définition tient à la doctrine de dissuasion nucléaire plutôt qu’à des spécifications techniques » – et celle de la Russie, qui remplit presque une page entière de spécifications.

En réalité, le recours de plus en plus fréquent au qualificatif « tactique » répond à « un motif très politique qui est de rendre l’arme nucléaire ‘utilisable’ dans le cadre d’un conflit », affirme Fabian Rene Hoffmann. Ce terme « introduit un biais inconscient parmi les populations : il y aurait une forme d’arme nucléaire plus acceptable qu’une autre car son utilisation serait limitée à des objectifs militaires », ajoute Jana Baldus.

Une pente très dangereuse pour Jean-Marie Collin car elle tend à faire oublier que toutes les bombes nucléaires – tactiques ou stratégiques – sont « des armes de destruction massive ». Ainsi, « il y a de fortes chances que les bombes américaines larguées sur Hiroshima ou Nagasaki soient considérées aujourd’hui comme des armes tactiques », note Jana Baldus.

En outre, la plus redoutable « des bombes conventionnelles américaines – surnommée Moab (pour ‘Massive Ordnance Air Blast bomb’ – ou bombe à effet de souffle massif) – a une puissance de destruction équivalente à 11 tonnes de TNT alors que la moins puissante des armes nucléaires dites ‘tactiques’ russes a une puissance équivalente à 300 tonnes de TNT », résume Jean-Marie Collin.

Cette obsession sémantique russe pour le nucléaire « tactique » risque aussi de relancer une course aux armements. Actuellement, la France n’a que des armes nucléaires stratégiques, tandis que les États-Unis se sont débarrassés de leur arsenal tactique au profit d’armes conventionnelles.

Mais si Moscou fait planer la menace de l’utilisation d’une telle arme tactique sur le champ de bataille, cela pourrait pousser d’autres puissances nucléaires à en acquérir. Et plus il y aura d’armes de ce type – présentées comme moins dévastatrices – en circulation, plus le risque qu’elles soient utilisées un jour grandira.

[France 24, 10/10/22]

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La dissuasion de Papa est morte…

Place à la dissémination atomique !

par Abraham Behar

membre du GSIEN

Président de l’Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire (AMFPGN)

Dossier GSIEN – Nucléaire militaire

Source : La Gazette nucléaire 298/299

Quand nous avons indiqué le consensus mondial sur la fin de la dissuasion nucléaire classique, nous savions que la nature a horreur du vide. L’article de Claude ANGELI dans le Canard Enchainé du 20/04/2022 vient confirmer_le grand remplacement par les USA : « le 12 avril, Jessica Cox, directrice de la politique nucléaire de l’OTAN, en a défini_les grandes lignes…_Une nouvelle arme nucléaire, le B61-MODELE 12, sera bientôt stockée_sur le sol européen. Les pays qui ont acheté des avions F-35 américains_pourront l’utiliser contre un agresseur, sous le strict contrôle du pentagone ».

Le B61-MODÈLE 12 : c’est quoi au juste ?

La B61-12 en développement depuis 2012 doit entrer en production en 2022.

En date de décembre 2021, ses vecteurs sont les chasseurs F-15E, F-16, Panavia Tornado et le bombardier B-2 Spirit. Il est prévu dans l’avenir que le chasseur F-35 et le bombardier B-21 Raider puissent l’employer. Le F/A-18E Super Hornet avait été également mis sur la liste en 2018 puis retiré en novembre 2021.

Spécifications_et Dimensions

La bombe pour avion B61 a un diamètre 13,3_pouces (33,78_cm), une longueur de 141_pouces (358,14_cm) et pèse entre 695 et 715_livres (de 315 à 324_kg) selon le modèle. Cette_masse_inclut la coquille aérodynamique externe, un nez déformable en forme de cône, un compartiment à parachute dans la queue, des ailes stabilisatrices, etc. Le diamètre est celui de la bombe même, sans ailes.

L’appareil qui entoure le cœur de la B61 a probablement les mêmes dimensions que la W80, qui a un diamètre de 11,8_pouces (30_cm) et une longueur de 31,4_pouces (79,8_cm)._

Certains experts dénoncent le coût prohibitif et l’inutilité du programme de modernisation de la B61 qui est, depuis les années 2000, la seule_arme nucléaire tactique_de l’arsenal des États-Unis. Sa puissance est variable, allant de 0,3_kt (tactique) à plus de 100_kt (stratégique). Sa puissance maximale est de 340_kt. Le nouveau modèle B61-12 a été classé selon ses caractéristiques comme tactique et stratégique.

Normalisation de l’arme nucléaire D’après le magazine Military Watch, « La B61-12 est une arme nucléaire tactique dotée d’une charge utile relativement faible, conçue pour des frappes de précision contre des cibles ennemies bien fortifiées et des concentrations de troupes. Selon l’éminent stratège nucléaire américain, le général James Cartwright, chef d’état-major interarmées, le fait de rendre les armes nucléaires plus petites et plus précises a pour effet de « rendre l’arme plus pensable« . Les armes nucléaires tactiques permettent des frappes nucléaires précises sans le nombre de victimes civiles et de dommages collatéraux qu’entraînerait une arme nucléaire à haut rendement. Leur développement est donc largement considéré par les analystes de la défense, y compris le général Cartwright, comme un moyen de rendre l’utilisation des armes nucléaires plus applicable et, par conséquent, potentiellement normalisée en temps de guerre ».

Les fondements stratégiques de la nouvelle dissuasion_

Contrairement à la doctrine ultra concentrée de l’ancienne dissuasion, et à la maitrise directe des USA sur tout le processus d’utilisation des armes nucléaires (même pour les “TRIDENT“ Britanniques) pour les pays de l’OTAN (avec une coordination, pour une force de frappe indépendante, comme pour la France) on retourne à l’ancienne doctrine des fusées Pershing disséminées en EUROPE, mais avec une possibilité d’utilisation nationale, même si le contrôle par le PENTAGONE, est proclamé. Les premiers pays bénéficiaires sont l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et les Pays Bas, puis ensuite tous les autres (même l’Albanie !)._

Quelle contre-attaque pour nous ?

Nous ne pouvons pas reprendre nos vieux slogans : “NI PERSHING, NI SS20“, car, même déguisé en “Ni stade_2 Russe ni stade_2 Américain“, ils resteraient incompréhensibles. Nous sommes condamnés_à inventer une autre forme de lutte, et trouver_un mot d’ordre immédiat.

Face à l’agression russe en Ukraine, en tant que soignants, nous nous battons pour “un cessez le feu immédiat“ compréhensible par tous. Face à cette nouvelle donne, l’urgence est dans cette recherche d’une cible simple comme : « la prolifération atomique est en Europe ».

Il faut un moratoire immédiat, « la prévention du désastre nucléaire c’est ici et maintenant ».

Bibliographie

•_« The B61 (Mk-61) Bomb », sur nuclearweaponarchive.org, 9 janvier 2007 (consulté le 9 décembre 2015).

•_National Nuclear Security Administration,_« A look at the U.S. nuclear stockpile », sur YouTube, 5 novembre 2021 (consulté le 13 novembre 2021)._

•_« L’US Air Force teste sa nouvelle bombe nucléaire B61-12 », sur_Radio-télévision belge de la Communauté française, 10 juin 2020 (consulté le 13 novembre 2021)._

•_https://fas.org/blogs/security/2021/12/fa-18_removed-from-fact-sheet/

•_AFP, « Les Etats-Unis lancés dans un programme de modernisation nucléaire controversé »,_La Libre.be,‎_6 novembre 2013.

•_ The U.S. Military’s Development and Testing of the B61-12 Tactical Nuclear Bomb; Why it is Cause for Concern in Russia and North Korea, https://militarywatchmagazine.com, 20 août 2017.

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Le nucléaire civil en France Contexte historique

Source : GSIEN, La Gazette nucléaire, No 290

Novembre 2018

Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), créé en 1945 par le général de Gaulle est à l’origine des recherches et du développement du nucléaire civil et militaire en France.

La construction des premiers réacteurs électrogènes, fonctionnant à l’uranium naturel, modérés au graphite et refroidis au gaz, dits « UNGG», a débuté en 1957 dans le cadre du troisième plan quinquennal et le premier réacteur UNGG EDF1, d’une puissance de 70 MWe, a divergé à Chinon en 1962, suivi en 1963 du réacteur EDF2 d’une puissance de 210 MWe et en 1966, toujours à Chinon, du réacteur EDF3 de 480 MWe ; suivront d’autres réacteurs du même type à Saint Laurent des Eaux notamment.

Mais, en 1970, le programme nucléaire français est réorienté, la filière UNGG abandonnée, au profit de la filière américaine à uranium enrichi et eau sous pression (Réacteurs dits REP ou PWR) réputée plus performante ; il faut savoir qu’à cette époque la consommation d’électricité en France doublait tous les 10 ans et c’est pour y faire face, faute d’autres moyens de production, et dans un contexte de forte augmentation du prix du pétrole (choc pétrolier) qu’ont été mis en service dès 1978 des REP de 900 MWe puis à partir de 1990 de 1300 MWe. Il y en a 58 aujourd’hui, répartis sur 19 sites et qui produisent annuellement près de 400 térawatt/heure, soit 80 % des besoins français en électricité.

Leur combustible est de l’uranium enrichi à 3 ou 4 % ; il est produit à Pierrelatte dans la nouvelle usine qui utilise le procédé de séparation par centrifugation et qui remplace avantageusement l’ancien procédé de diffusion gazeuse : il est 20 fois moins énergivore.

Construits pour durer 30 ans, certains des 58 réacteurs du parc arrivent maintenant en fin de vie théorique et la nécessité d’une jouvence s’impose d’autant plus que croît la culture de sûreté qui fait suite aux accidents de Tchernobyl et de Fukushima  ; c’est dans ce contexte que le pouvoir politique a demandé à l’ASN d’effectuer un audit des centrales françaises ; l’ASN en a conclu que le niveau de sûreté des centrales était satisfaisant, et qu’il convenait néanmoins d’améliorer leur robustesse face à des situations extrêmes ; c’est dans ce cadre que l’EDF a décidé de lancer une série de travaux pour y faire face et pour permettre aussi de prolonger de 10 ans la durée des réacteurs ; à noter que le coût de ces améliorations, estimé à quelque 50 milliards d’euro, n’augmente le coût du KWh qui sera produit dans les 10 ans que de 1 ou 2 centimes d’euro. 

C’est en 2005 qu’il est décidé de s’orienter vers un nouveau réacteur : l’EPR. Il est à la fois plus puissant, 1650 MWH contre 1400 pour les plus puissants des REP existants, a un meilleur rendement et est programmé pour durer 60 ans. Le premier prototype est en construction à Flamanville, et sa mise en service, initialement prévue en 2012 est reportée en 2016 ; son prix, entre temps a presque triplé ! La construction d’un deuxième EPR à Penly, a, pour l’heure, été reportée.

Ce panorama serait incomplet sans l’évocation de la filière des réacteurs, dits à neutrons rapides (RNR), appelés aujourd’hui de 4ème génération et qui permettrait de brûler la quasi-totalité de l’uranium : cette filière a débuté en 1967 à Cadarache avec le réacteur Rapsodie et s’est pousuivie à Marcoule avec le réacteur Phénix de 250 MWe qui a été arrêté en 2010 après plus de 30 ans d’existence. Entre temps a été construit à Creys-Maleville en collaboration avec les Allemands et les Italiens, le réacteur Super-Phénix de 1200 MW ; il n’a que trop peu fonctionné et a été arrêté en 1998. A ce jour, la conception d’un nouveau réacteur RNR est en cours ; dénommé ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), il doit permettre à la France de rester dans la course de la connaissance de ces réacteurs du futur ; son démarrage initialement prévu en 2020 a, d’ores et déjà, été décalé de 2 ans.

L’énergie nucléaire est une énergie du temps long.

De 1945 –1968

En septembre 1945, le général de Gaulle demande au directeur du CNRS Frédéric Joliot-Curie et à Raoul Dautry, alors ministre de la reconstruction et de l’urbanisme, de mettre en place un organisme de recherche consacré à l’énergie atomique.

Le CEA est créé le 18 octobre 1945 par Charles de Gaulle avec à sa tête Frédéric Joliot-Curie (haut-commissaire à l’énergie atomique) et Raoul Dautry (administrateur général). Cet organisme est destiné à poursuivre des recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans les domaines de la science (notamment les applications médicales), de l’industrie (électricité) et de la défense nationale. Cet organisme est placé sous l’autorité directe de la Présidence du Conseil, ses finances ne faisant l’objet que d’un contrôle a posteriori par le ministère des Finances[5].

En janvier 1946 sont désignés les premiers membres du CEA : Pierre Auger, Irène Curie, Francis Perrin et le général Paul Dassault[6], qui seront rejoints quelque mois plus tard par Lew Kowarski, Bertrand Goldschmidt, Jules Guéron et Pierre Biquard. En juillet 1946, les premiers membres du personnel du CEA prennent possession du fort de Châtillon, premier centre de recherche du CEA situé à proximité de Paris. À la même époque, le CEA s’installe aussi dans une enclave de la Poudrerie du Bouchet pour effectuer les opérations de raffinage des concentrés de minerai d’uranium qui viennent d’Afrique[7]. L’uranium purifié dans l’usine du Bouchet est utilisé dans le fort de Châtillon (Fontenay-aux-Roses) pour constituer la pile Zoé, pile atomique à eau lourde construite par l’équipe de Joliot-Curie , qui diverge en 1948. L’année suivante est extrait le premier milligramme de plutonium du combustible usé de Zoé à l’usine du Bouchet.

Joliot-Curie, qui est membre du parti communiste français, lance l’appel de Stockholm contre la bombe atomique. En avril 1950, il est révoqué de son poste de haut-commissaire par Georges Bidault. Francis Perrin le remplace.

Après le départ de Joliot-Curie, le CEA intensifie ses travaux sur les applications militaires et civiles de l’énergie atomique. Même si le gouvernement n’a pas encore pris officiellement la décision de construire une bombe atomique, tout est mis en œuvre pour se doter des moyens de la construire.

En 1952, le centre d’études nucléaires de Saclay est ouvert sur un terrain de 271 hectares en plein plateau de Saclay, où cette même année sont mis en service le successeur de Zoé, le réacteur EL2 (Eau Lourde n°2), et le premier accélérateur de particule du CEA.

À Marcoule, sont successivement construits les réacteurs G1 (1956), G2 (1959) et G3 (1960) de type Uranium Naturel-Graphite-Gaz (UNGG). Une usine pour extraire le plutonium du combustible usagé est également construite et fonctionne à partir de 1958. Grâce à ces installations, la France peut réaliser son premier essai nucléaire dans le Sahara en 1960,«Gerboise bleue», seulement deux ans après que la décision officielle ait été prise.

En 1958, l’Usine militaire de Pierrelatte est construite pour l’enrichissement de l’uranium nécessaire à la fabrication de la bombe atomique.

1960 explosion de ma première bombe française à Reggane

À Chinon, le CEA et EDF collaborent à la construction des réacteurs EDF 1 (1962, 68 MW), EDF 2 (1965, 200 MW) et EDF 3 (1967, 500 MW) de type UNGG.

De 1968 à 1981 -CHOOZ-SENA 1969 REP de 350 MWé

En 1968, la première bombe H (bombe thermonucléaire ou à hydrogène) française explose à 600 mètres au-dessus de l’atoll de Fangataufa, dans le Pacifique. Sa puissance équivaut à 170 fois celle d’Hiroshima.

La guerre des filières de réacteurs oppose le CEA et EDF : le premier est partisan de la filière française Uranium Naturel Graphite Gaz tandis que le second défend la filière des réacteurs à eau pressurisée (Pressurised Water Reactor) du constructeur américain Westinghouse. En novembre1969, le gouvernement tranche en faveur d’EDF et décide la construction d’une centrale à eau pressurisée à Fessenheim.

En 1973, la première centrale prototype réacteur nucléaire à neutrons rapides et à caloporteur sodium Phénix est mise en service à Marcoule.

En 1976, le gouvernement français passe commande de Superphénix.

En février 1979 est mis en service l’usine Georges Besse au Tricastin, afin d’enrichir l’uranium nécessaire à la production de combustible pour les réacteurs électro-nucléaires.

De 1981 à 1984 : naufrage du Mont Louis au large des côtes Belges. Transport d’UF6 en direction de l’Union soviétique

En 1985, la centrale nucléaire de Brennilis, prototype modéré par l’eau lourde, est arrêtée définitivement, tandis que le réacteur à neutrons rapides superphénix diverge après 10 années de construction

En 1985, le Rainbow Warrior, bateau de l’organisation écologique « Greenpeace », explose dans le port d’Auckland en Nouvelle-Zélande. « Greenpeace » préparait une campagne contre les essais nucléaires français dans le Pacifique.

Le 27 janvier 1996 est lancé le dernier essai nucléaire français à Fangataufa.

Le 24 septembre 1996, la France signe le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et commence immédiatement à démanteler le Centre d’expérimentations du Pacifique.

En 1997, le gouvernement français annonce que Superphénix sera abandonné.

En 2001, la filiale CEA Industries fusionne avec Framatome et la Cogema pour former un nouveau groupe dénommé Areva.

En 2007, le Genoscope et le Centre national de génotypage sont rattachés au CEA au sein d’un nouvel institut dénommé Institut de génomique[8].

Début 2009, Le CEA, Intel, le GENCI et l’Université de Versailles Saint Quentin annoncent la création d’un laboratoire commun, Exascale Computing Research, dédié aux logiciels pour les supercalculateurs de prochaine génération dont la puissance devrait atteindre l’exaflops (1000 petaflops)[9].

Le 14 décembre 2009, dans son discours sur le Grand emprunt, le Président de la République Nicolas Sarkozy annonce que le CEA doit devenir le « Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives »[10] en réponse à une suggestion de la commission Juppé-Rocard qui préconisait la création d’une Agence pour les énergies renouvelables. Cette décision traduit la volonté de l’exécutif d’équilibrer les efforts de recherche entre le nucléaire et les énergies renouvelables, selon la règle affichée du « un euro pour le nucléaire, un euro pour la recherche sur les énergies renouvelables ».

 Le GSIEN 

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Pourquoi refuser l’avenir irradieux de Macron.

Annie et Pierre Péguin, décembre 2022

– Le fonctionnement des centrales génère en permanence de nouveaux radioéléments très dangereux pour la santé. 
Ces nouveaux atomes radioactifs sont métabolisés par les organismes vivants, se concentrent le long de la chaine alimentaire et nous contaminent par ingestion, pouvant s’attaquer au métabolisme de nos cellules et à leur ADN. Les conséquences n’en sont pas immédiates ; mais n’y aurait-il pas un lien avec la prolifération des cancers, leucémies, maladies diverses qui ne seraient pas seulement dues aux pollutions et produits chimiques ? Même si les liens directs sont bien difficiles à établir – sauf pour le cancer de la thyroïde que les pronucléaires ont bien été obligés de reconnaître- les victimes au voisinage des centres atomiques, en Biélorussie suite à Tchernobyl, en Polynésie depuis ls campagnes d’explosions atomiques, l’attestent. 
On sait maintenant que même les faibles doses de contamination ont des effets sur la santé, et plus grave encore sur la reproduction : les cellules sexuelles y sont particulièrement sensibles. 
Quant aux usines nucléaires, telles que Marcoule, Cadarache, Pierrelatte, surtout la Hague et d’autres, elles contribuent à la dispersion dans l’eau et dans l’air de ces éléments.

 Le fonctionnement de toute la chaîne nucléaire produit des quantités considérables de déchets d’extrême dangerosité, de durabilité infinie à l’échelle humaine et pour lesquels il n’existe pas de solution raisonnable
L’enfouissement des déchets de haute activité et de vie longue que l’on s’apprête à enfouir à 500 mètres de profondeur, à Bure dans la Meuse, sans savoir de quelles façons on pourra prévenir du danger les populations du futur, est une monstrueuse faute. La pérennité des emballages de ces déchets ne peut pas être assurée pour des centaines de milliers d’années. La seule solution raisonnable est de les gérer en surface ou près de la surface du sol pour pouvoir les reconditionner au fur et à mesure de leur dégradation. 
Et une fois les réacteurs mis à l’arrêt, comment démanteler les réacteurs, sans à nouveau en reporter la gestion sur nos successeurs, multipliant les déchets et les dangers ?

– Nous risquons en permanence la catastrophe atomique qui dévasterait pour longtemps une grande région et toucherait une nombreuse population.
la prochaine sera-t-elle chez nous, compte-tenu du grand nombre de réacteurs qui vieillissent et donc se fragilisent ? Au moins à trois reprises, nous avons frôlé la catastrophe (St Laurent des Eaux 1969 et 1980, Blayais décembre 99). Et en Ukraine la menace grandit autour de la centrale de Zaporijjia, faisant craindre le pire pour l’Europe. 
Un simple missile sur l’une de nos centrales, ou un acte terroriste contre l’un de nos multiples transport de matières radioactives peuvent provoquer un grave accident. 
Et sait-on que la sécurité de nos centrales repose en dernier ressort sur une technologie du passé ? Celle des groupes électrogènes lorsque qu’il faut de l’électricité pour refroidir le coeur du réacteur afin d’en éviter la fusion, et ils ne sont pas toujours fiables….

– La maîtrise des réactions nucléaires ouvre la possibilité de fabriquer des bombes atomiques à uranium enrichi, à Hydrogène (la bombe H), ou encore au plutonium produit par les réacteurs en fonctionnement. Leur utilisation malheureusement possible dans le climat délétère actuel aurait d’horribles conséquences. 
De plus les puissances nucléaires disposent de gros stocks d’ Uranium dit « appauvri », rebut de l’enrichissement du combustible, c’est un métal lourd dont les armées se servent en tête d’obus pour percer les blindages, largement utilisés par exemple en Irak par les USA . Il émet des rayons alpha, et les poussières disséminées et absorbées provoquent de gros dégâts chez les vétérans de l’armée et dans la population (en particulier naissances de monstres !). 

Voilà pourquoi il est criminel à nos yeux de prétendre poursuivre la production d’électricité nucléaire. 

Il y a bien d’autres raisons qui ne touchent pas à notre sécurité ni à notre santé, mais qui contribuent à rendre incompréhensible l’obstination de nos dirigeants dans cette technologie d’un autre âge. 
D’ailleurs son importance décroît au niveau mondial ne produisant plus que 2 % de l’énergie totale consommée, soit moins de 10 % de la consommation mondiale d’électricité. Les énergies renouvelables s’imposent de plus en plus, domaine dans lequel la France est très en retard. 

Tout d’abord il convient de dénoncer les mensonges qui nous sont assénés et relayés en permanence par les médias, les commentateurs bien en vue et recherchés. Rares sont les contradicteurs qui peuvent s’exprimer librement. 

– L’électricité nucléaire n’est pas une énergie décarbonée. Si on considère tous les matériaux, et tous les transports nécessaires au développement de la filière nucléaire, depuis l’extraction de l’uranium jusqu’au démantèlement des centrales et la gestion des déchets atomiques pour des temps infinis, on peut difficilement prétendre que l’électricité produite est une énergie décarbonée ! 

– Énergie prétendue pas chère. L’État subventionne depuis le début la recherche, le développement et le fonctionnement de la production d’électricité nucléaire à coups de milliards. Ce sont nos impôts qui en font une énergie apparemment bon marché. Actuellement le coût des énergies renouvelables est devenu bien moins cher, et les investissements mondiaux dans ces technologies d’avenir dépassent de loin ceux dans le nucléaire. 

– Le leurre de l’Indépendance énergétique n’est qu’un mensonge d’État. Nous sommes en fait dépendant de la Russie. En effet, Il n’y a plus d’extraction d’uranium en France, nous sommes dépendant des importations provenant du Niger, d’Ouzbékistan, et surtout du Kazakhstan contrôlé par le géant russe Rosatom pour près de la moitié de nos importations.
C’est encore à Rosatom qu’est confié le recyclage d’uranium issu du retraitement à la Hague. Les navires russes livrent donc à Dunkerque ou à Cherbourg l’uranium dont nous avons besoin. Apparemment les sanctions ne concernent pas les échanges avec la Russie dans le domaine atomique !

Et ce dont on se garde bien de parler :

– Les délais face à l’urgence climatique, la prétention de gérer cette urgence par la construction de réacteurs se heurte à des délais bien trop importants : Là où des éoliennes ou des installations solaires peuvent être mises en route en peu d’années, l’exemple des EPR de Flamanville ou de Finlande montre qu’il faut au moins attendre une quinzaine d’années. Et encore à condition que soit retrouvé un savoir faire aujourd’hui perdu ! 

– En fait, le nucléaire contribue au Réchauffement climatique. Le nucléaire est présenté comme un recours, ce qui paraît convaincre les jeunes générations ; mais en est-il vraiment un ? L’ouvrage d’Hervé Kempf “Le nucléaire n’est pas bon pour le climat” montre bien qu’il n’en est rien.
Non seulement il ne fournit pas une énergie vraiment décarbonée, mais en plus il contribue au réchauffement climatique, comme le font toutes les centrales thermiques. Le rendement des centrales étant à peine de 30 %, 70 % de l’énergie dégagée par la fission de l’uranium est dissipée en chaleur dans l’eau et dans l’air. Des estimations récentes en montrent l’importance significative par rapport aux autres causes. 

– Peut-on vraiment toujours compter sur nos voisins pour pallier les défaillances du système de production électrique français ? La défaillance de notre mode de production d’électricité, unique au monde par la proportion considérable de la part du nucléaire, rend notre pays non seulement dépendant de la Russie pour nous alimenter en uranium, mais aussi dépendant des pays voisins pour nous alimenter en électricité particulièrement en heures de pointe. C’est en effet chez nous que les pointes sont les plus importantes à force de vouloir tout électrifier. Et cela continue (voiture électrique, 5 G par exemple).
Mais nos voisins ne pourront pas toujours pallier nos besoins, et nous seront parmi les rares pays à devoir subir des restrictions.

– Et n’est-il pas trop vulnérable ? La sécheresse de ce printemps et de cet été a démontré la vulnérabilité des réacteurs au dérèglement climatique : énormes consommateurs d’eau pour leur refroidissement, ils sont dépendants du régime fluvial. EDF a dû obtenir des dérogations pour poursuivre la production de plusieurs d’entre eux malgré la température trop élevée et/ou l’étiage insuffisant de l’eau des fleuves. 
Qu’en sera-t-il des nouveaux EPR construits en bord de fleuves ?

Enfin quelle folie peut conduire ceux qui nous gouvernent à prétendre relancer la construction de réacteurs ; alors que la plupart de nos voisins européens abandonnent le nucléaire ? Ils ne s’en sortent pas plus mal, ne sont pas retournés à la caverne et à la bougie, et ce sont eux qui soutiennent notre système défaillant ! 

Par son État centralisé et fort , la France peut imposer le choix politique de son développement, assumer les coûts, en cacher les effets sanitaires et neutraliser l’opposition à cette technologie mortifère. 

Mais n’est-il pas dément que, pour assurer quelques décennies de production électrique, on fasse courir tant de risques à la population et qu’on génère de dangereux déchets pour toujours ? 

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Nucléaire, questions de bon sens

Annie et Pierre Péguin, octobre 2022

Face à la pression médiatique et politique destinée à convaincre la population de la nécessité de relancer la construction de réacteurs atomiques, il convient de rappeler quelques évidences qu’on tente de nous faire oublier, voire de nous cacher. 

Les mensonges 

– L’électricité nucléaire est une énergie décarbonée. Si on considère tous les matériaux, et tous les transports nécessaires au développement de la filière nucléaire, depuis l’extraction de l’uranium jusqu’au démantèlement des centrales et la gestion des déchets atomiques pour des temps infinis, on peut difficilement prétendre que l’électricité produite est une énergie décarbonée ! (1) 

 Énergie pas chère, (2). Le coût du nucléaire est maintenant plus élevé que celui des renouvelables. c’est pourquoi les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables dépassent de loin ceux dans le nucléaire . Ainsi le coût de l’éolien offshore est annoncé comme étant 2 fois moins cher. De ce fait l’électricité nucléaire ne couvre même pas 10 % de la consommation totale d’électricité dans le monde, soit moins que l’éolien et le solaire réunis (3).

– Indépendance énergétique. (4) L’« indépendance énergétique » acquise grâce au nucléaire n’est qu’un mensonge d’État. En effet, Il n’y a plus d’extraction d’uranium en France, nous sommes dépendant des importations provenant du Kazakhstan, du Niger, d’Ouzbékistan… 
C’est au groupe Russe Rosatom qu’est confié le recyclage d’uranium issu du retraitement à la Hague. Un navire russe vient d’en faire une livraison à Dunkerque. Apparemment les sanctions ne concernent pas les échanges avec la Russie dans le domaine atomique !… 

Ce dont on se garde bien de parler 

– Risque de catastrophe. Tchernobyl il y a 36 ans et Fukushima il y a 11 ans ont malheureusement démontré que le risque de catastrophe est réel et que les conséquences sur les êtres vivants, les cauchemars vécus par les malheureuses victimes et leurs descendants pendant des années, sur des territoires au minimum grands comme des départements et sur le budget du pays concerné, devraient en faire une énergie inacceptable.

En France, à au moins 3 reprises, la catastrophe a été frôlée (St Laurent des Eaux 1969 et 1980, Blayais décembre 1999, la prochaine aura-t-elle lieu chez nous ou en Ukraine où la menace grandit autour de la centrale de Zaporijjia, faisant craindre le pire pour l’Europe ? 

– Trop polluant. Toutes les centrales en activité rejettent de la radioactivité dans le milieu ambiant que ce soit l’air ou l’eau. Il en va de mème pour les usines qui assurent le cycle du nucléaire, telles que Malvesi, Cadarache, Marcoule, Pierrelatte, Romans, et d’autres, mais c’est surtout le cas de l’usine de retraitement de la Hague qui fait du Cotentin la région la plus touchée du pays. 
Et aucune solution satisfaisante n’a été apportée à l’accumulation des déchets radioactifs. Que ce soient ceux de la fission de l’uranium hautement radioactifs retraités à la Hague pour lesquels le projet d’enfouissement à Bure est un leurre, ou des millions de tonnes de matériaux faiblement radioactifs ainsi que des stériles des mines d’uranium.

– Contamination du vivant. La santé des espèces vivantes, humains compris, est tributaire d’un environnement ne comportant que de faibles rayonnements issus du sol ou reçu de l’espace. 
La désintégration de l’uranium et de ses descendants engendre la prolifération de multiples radioéléments qui n’existent pas à l’état naturel (5), ils s’intègrent au vivant, se concentrent le long de la chaine alimentaire, et nous contaminent par ingestion pouvant s’attaquer au métabolisme de nos cellules et à leur ADN. Les conséquences n’en sont pas immédiates, mais n’y aurait-il pas un lien avec la prolifération des cancers, leucémies, maladies diverses qui ne seraient pas seulement dues aux pollutions des produits chimiques? Même si les liens directs sont bien difficiles à établir – sauf pour le cancer de la thyroïde que les pronucléaires ont été obligés de reconnaître – les victimes déclarées dûment reconnues au voisinage des centres atomiques, en Polynésie, ou en Biélorussie l’attestent. 
On sait maintenant que même les faibles doses de contamination ont des effets sur la santé, et plus grave encore sur la reproduction: les cellules sexuelles y sont particulièrement sensibles. C’est une atteinte à notre génome pouvant provoquer des avortements, des naissances monstrueuses, ainsi que des mutations transmissibles. Depuis les débuts du nucléaire, le lobby occulte cette contamination du vivant, il ne retient que l’irradiation directe et minimise considérablement le nombre de victimes, civiles ou militaires. Mais la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) reconnaît que toute dose de radioactivité comporte les risques mutagène, cancérogène, et autres. 
De plus les puissances nucléaires disposent de gros stocks d’U 238 rebut de l’enrichissement du combustible, c’est un métal lourd que les forces armées utilisent en tête d’obus pour percer les blindages, largement utilisés en Irak par les US . Il émet des rayons alfa, et les poussières disséminées et ingérées provoquent de gros dégâts chez les vétérans et dans la population (en particulier naissances de monstres!).

– Rechauffement climatique. On s’en préoccupe à juste titre et le nucléaire est présenté comme un recours, ce qui paraît convaincre les jeunes générations, mais en est-il vraiment un ? L’ouvrage d’Hervé Kempf Le nucléaire n’est pas bon pour le climat montre bien ce qu’il n’en est rien (6). 
Non seulement il ne fournit pas une énergie vraiment décarbonée, mais en outre il contribue au réchauffement climatique, comme le font toutes les centrales thermiques. Le rendement des centrales étant à peine de 30 %, par conséquent 70 % de l’énergie dégagée par la fission de l’uranium dans les 56 réacteurs est dissipée en chaleur dans l’eau et dans l’air. Des recherches récentes en démontrent l’importance significative par rapport aux autres causes (7).

– Trop vulnérable. La sécheresse de ce printemps et de cet été a démontré la vulnérabilité des réacteurs au dérèglement climatique : énormes consommateurs d’eau pour leur refroidissement, ils sont dépendants du régime fluvial. EDF a dû obtenir des dérogations pour poursuivre la production de plusieurs d’entre eux malgré la température trop élevée et/ou l’étiage insuffisant de l’eau des fleuves. 
La tempête de l’hiver 1999 a montré la fragilité au risque d’inondation de la centrale du Blayais, et le tsunami de mars 2011 au Japon a provoqué la catastrophe de Fukushima. Qu’en sera-t-il des nouveaux EPR construits en bord de fleuves ou de la mer ?

– Le nucléaire fragilise les pays qui l’utilisent : La guerre en Ukraine, pays nucléarisé démontre les risques immenses que font courir les centrales nucléaires. Elles deviennent des cibles de guerre et possiblement de terrorisme. 

Enfin, et cela peut servir de conclusion

Quelle folie peut conduire ceux qui nous gouvernent à prétendre relancer la construction de réacteurs, alors que nos voisins européens abandonnent le nucléaire qui ne représente plus que 2 % de l’énergie globale consommée dans le monde entier ? Ils ne s’en sortent pas plus mal et ne sont pas retournés à l’ère des cavernes ni même à celle de la bougie ! 
Du fait de sa centralisation et de la concentration du pouvoir qui en résulte, la France peut imposer le choix politique de son développement, en assumer les coûts, en cacher les effets sanitaires et neutraliser l’opposition à cette technologie mortifère. 
Tandis que les humains de la préhistoires nous ont légués de magnifiques peintures rupestres, nous laissons sans honte à nos descendants des déchets toxiques et radioactifs extrêmement dangereux pour des centaines de milliers d’années. Voir l’excellente BD d’Etienne Davaudeau (8). 
D’autres solutions existent, des études, dont certaines présentées par RTE (Réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF) démontrent la faisabilité de scénarios 100% renouvelables associés à la sobriété. 
Les énergies renouvelables ne réchauffent pas l’environnement, elles transforment les énergies reçues gratuitement du soleil en électricité. Elles ne génèrent pas de gaz à effet de serre. Le démantèlement des équipements mis en place pour les capter est infiniment plus simple que celui des réacteurs atomiques, et n’abandonne pas pour des dizaines de milliers d’années des masses de produits radioactifs. 
Elles sont une source importante d’économie financière alors que le nucléaire est un puits sans fond de sommes colossales. Comment ne pas rêver à tout ce qu’on aurait pu réaliser avec cet argent pour améliorer le bien-être de tous, à commencer par celui de l’isolation des habitats ? 
Certes elles ne doivent pas être installées n’importe où, une gestion plus démocratique de leur installation les rendrait plus acceptables. 
Pourquoi faudrait-il attendre la catastrophe pour arrêter le nucléaire (9) ? Attend-t’on qu’un immeuble s’effondre pour en évacuer les habitants? Ne serait-il pas préférable de mieux utiliser provisoirement des centrales thermiques (celles au gaz plus fiables et moins polluantes ont le meilleur rendement 50%), le temps de pouvoir les arrêter aussi? 

Références

(1) Que ce soient les mines d’uranium, le transport des minerais, l’affinage à Malvesi, le conditionnement en oxyde de l’uranium, l’enrichissement au Tricastin, l’élaboration des « crayons » de « combustible *», les transport vers les réacteurs qu’il a fallu construire, leur acheminement vers la Hague pour être « retraités », enfin le démantèlement des réacteurs et la gestion des déchets pour l’éternité ! 
*C’est à tord que le terme « combustible » est employé communèment, puisque les atomes d’uranium ne brulent pas, ils se fissurent en dégageant de la chaleur et en émettant des rayonnements dangereux
(2) D’après Fabrice Nicolino (https://fabrice-nicolino.com/?p=5553), le chiffrage total du cout de la production nucléaire d’électricité, soigneusement dissimulé, est difficile à faire. Quelques éléments montrent l’étendue du gouffre financier. En janvier 2012, la cour des comptes estime que le nucléaire a déjà coûté 228 milliards € depuis les années 50, combien depuis? S’y ajoutent les recherches 55 milliards, le démantèlement des vieilles centralesse dizaines de milliards, renationalisation EDF, dont la dette approche les 50 milliards, 10 milliards, enfouissement 8 milliards au moins de subventions accordées à Areva-Orano, 100 milliards de travaux de sécurisation des vieux réacteurs, coût de l’EPR de Flamanville qui a dépassé les 20 milliards, etc.
(3) https://reporterre.net/Dans-le-monde-l-eolien-et-le-solaire-depassent-le-nucleaire 
(4) https://reporterre.net/Non-la-France-n-est-pas-independante-grace-au-nucleaire#forums
(5) hubert Greppin « Effets des radiations ionisantes » dans « Radioprotection et droit nucléaire » ivo Rens,, ed Georg,1998.
(6) Hervé Kempf “Le nucléaire n’est pas bon pour le climat”, ed Seuil, 2022. 
(7) Francois Vallet: https://blogs.mediapart.fr/francois-vallet/blog/091121/l-energie-nucleaire-rechauffe-la-planete-et-le-climat, Les émissions de chaleur des centrales nucléaires rapportées à la surface du pays ont été de 0.26 W/m² en 2018. Les émissions totales de chaleur du pays ont été de 0,55 W/m² pour la même année. Ce qui veut dire que le nucléaire serait responsable de la moitié de la contribution du pays au rechauffement climatique, si ces calculs sont confirmés! 
(8) Etienne Davaudeau « Le droit du sol » ed Futuropolis, 2021. L’auteur a parcouru à pied les 800 kms qui séparent la grotte de Pech Merle et ses peintures supestres, à Bure où on prétend enfouir les déchets radioactifs pour des centaines de milliers d’années…. 
(9) voir le site du collectif Arrêt du Nucléaire (ADN) http://collectif-adn.fr/

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Lettre ouverte à Greta Thunberg

par
Xavière Gauthier
, femme en lutte et militante antinucléaire depuis 1970
4 avril 2022

paru dans la Gazette Nucléaire

publication du GSIEN (*)

https://gazettenucleaire.org/2022/297/lettre-ouverte-greta-thunberg.html

Chère Greta Thunberg,


Dès que je t’ai entendue lancer ton premier appel, la véhémence de ta voix, la justesse de ton propos, l’intensité de ton apostrophe m’ont convaincue que tu étais une sorcière. Moi qui suis une vieille sorcière du siècle dernier, je te vois comme une jeune sorcière, rebelle et savante. Tu as fait lever en moi un fol espoir, comme si tu me donnais la main à travers les générations.

Tu me permets une petite remarque ? Tu dis : « Vous m’avez volé mes rêves. » Or, moi, je ne t’ai rien volé du tout. Lorsque j’avais ton âge, je ne m’étais jamais assise dans une automobile, j’allais à pied à l’école, faisant ainsi 100 kilomètres par an (j’ai calculé), je revenais déjeuner chez moi, où ma mère avait préparé pour toute la famille les légumes du jardin (j’habitais en ville, mais nous avions un potager nourricier), les œufs de nos poules, parfois un de nos lapins aussi doux à caresser que délicieux à manger, le cidre de notre tonneau pour mon père, un dessert avec le lait que nous allions chercher dans notre gamelle chaque jour. Nous n’avions ni frigo, ni congélo, ni aspirateur, ni fer à repasser électrique, ni télévision, ni ordinateur. Nous moulions les grains de café à la main. Nous ne jetions pas de bouteilles en verre, nous les lavions ; pas de flacons en plastique, cela n’existait pas ; pas de tampons, de mouchoirs en papier, nous n’en avions pas. Je n’avais pas de portable, même pas le téléphone.

Ce n’était ni mieux, ni moins bien. C’était mon enfance, c’était dans les années 1950.

Maintenant que tu connais mon grand âge, je peux te raconter ce qui s’est produit, douze années avant ta naissance, dans la centrale atomique de Forsmark, non loin de la ville où tu es née, Stockholm. L’histoire se passe le 28 avril 1986. Un employé de cette centrale passe devant un détecteur et déclenche l’alarme. Évacuation, recherches dans tous les recoins : rien. Finalement, sur la pelouse, on détecte des particules radioactives typiquement soviétiques. Forsmark est pourtant à 1 100 kilomètres de Tchernobyl. Mais les vents ont soufflé du sud-est et les pluies sont tombées dans le nord-est. La direction de la centrale suédoise alerte le monde entier : deux jours plus tôt s’est produite la plus grande catastrophe nucléaire du XXe siècle. En quelques secondes, la puissance du réacteur a centuplé. Les 1200 tonnes de la dalle de béton recouvrant le réacteur ont été projetées à l’air et sont retombées de biais sur le cœur du réacteur qui a été fracturé par le choc. Ce matin-là, 900 lycéens de Prypiat (à trois kilomètres de la centrale), un peu plus jeunes que toi, tournent autour de la centrale pour un « marathon de la paix ». Et aujourd’hui, à Pinsk, à plus de 300 kilomètres de Tchernobyl, 80 % des enfants sont malades. À Mozyr, à 100 kilomètres de Tchernobyl, sur 600 nouveau-nés, 230 sont en réanimation. Entre 1986 et 2004, il y a eu un million de décès prématurés. C’est un professeur émérite de l’université de Bâle, Michel Fernex, fondateur de l’association « Enfants de Tchernobyl Belarus », qui m’a appris ces terribles chiffres. Déjà, en 1995, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies estimait à près de 10 millions le nombre de personnes souffrant des conséquences de la catastrophe. « La tragédie ne fait que commencer », déclarait Kofi Annan. Je regarde les photos d’enfants difformes, tordus, atrophiés, et mon cœur entre en fusion, comme le cœur du réacteur.

Tu t’insurges contre les gouvernants du monde entier qui font de beaux discours mais ne tiennent pas leurs promesses. Tu as entièrement raison. C’est vrai aussi pour les dirigeants suédois qui ont décidé en 1980 l’abandon du nucléaire et qui construisent actuellement des installations de stockage géologique profond qui seront en service vers 2030. Où ? Justement sur le site de Forsmark, où des déchets de faible intensité sont déjà stockés à 50 mètres sous le fond de la mer Baltique. Pourquoi de nouvelles installations ? Pour les HAVL, déchets de haute activité à vie longue.

Tu vois, c’est ainsi ; dès qu’une région est nucléarisée, on ajoute et on ajoute, comme si c’était un endroit déjà condamné. C’est ce qui se passe à la Hague. Tu ne connais pas cette extrémité de presqu’île normande ? Cela m’amuse d’apprendre que hag, dans ta langue, c’est une vieille sorcière ! Mais, en vieux norrois (ancêtre des langues scandinaves et du normand), c’est un pâturage et c’est le nom de ce coin de France. De sorte que nous pouvons jouer à être cousines, ou presque, par nos ancêtres vikings… Eh bien, dans la Hague, près de la ville de Cherbourg dont l’arsenal est célèbre pour la construction de sous-marins nucléaires, on a érigé, dans les années 1960, un centre de retraitement des déchets radioactifs. Retraiter, ce n’est pas recycler, c’est séparer les déchets en en produisant d’autres, des rejets radioactifs liquides et gazeux en grande quantité. Cela ne diminue en aucun cas la radioactivité des déchets et même cela l’augmente, avec l’utilisation du combustible MOX. Ce retraitement ne sert à rien, sauf à obtenir du plutonium, principal élément d’une bombe atomique. Nucléaire encore : on a érigé, dans les années 1970, une usine atomique à Flamanville-Hague. Nucléaire encore : on érige actuellement un EPR, qui devait coûter 3,3 milliards d’euros mais a déjà dépassé les 19 milliards selon un rapport de notre Cour des comptes de juillet 2020, qui devait commencer à fonctionner en 2012 mais ce sera, peut-être, fin 2023. Où ? à Flamanville-Hague. Nucléaire toujours : ce bout de terre sacré « poubelle de l’Europe » doit subir, depuis 1969, la présence d’un centre de stockage à Digulleville – oui, c’est dans la Hague – où sont entreposés [stockés] près d’un million de mètres cubes de déchets ultimes [officiellement 527 225 m3 soit un peu plus de 1⁄2 million].

Trop petit : on ajoute une extension pouvant contenir 4 212 conteneurs de déchets vitrifiés de haute activité. Entre 2018 et 2022, le site accueillera 12 000 conteneurs. La présidente de l’Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) ose déclarer (how dare you ?) : « Nous surveillerons les déchets le temps qu’il faudra. » Pendant combien de centaines de milliers d’années va-t-elle surveiller ? Le journal de l’Andra répond (à l’automne 2015) : « Le processus de décroissance de la radioactivité des déchets peut prendre plusieurs millénaires. Après la fermeture des centres de stockage, comment prévenir les générations suivantes de leur présence ? » Un professeur en sciences de l’information et de la communication, s’appuyant sur la littérature du Moyen Âge, a retrouvé la description des sons censés avoir effrayé le roi Arthur et Lancelot : «Si ces sons ont conservé la même signification aujourd’hui, on peut présumer qu’ils puissent être compris de la même manière dans plusieurs siècles. » Quels sons ? « Un son strident et prolongé. » Reste « à trouver les moyens de diffuser » ces sons, continue l’autorité compétente. Dans 300 ans, dans 10 000 ans, dans 500 000 ans, on criera « Attention ! Danger mortel ! » aux humains – y en aura-t-il encore ? De quelle sorte ? Ce serait comique, s’il ne s’agissait pas de l’avenir de l’humanité. Puisque je suis dans ce registre, laisse-moi te raconter l’exercice surprise qui s’est déroulé une nuit de janvier 2021 à Flamanville. Depuis la catastrophe de Fukushima, les mesures de sécurité ont été renforcées, voyons le résultat. Plan d’urgence déclenché à 23 h 31 ; préfecture prévenue à 1 h 25 et Autorité de sûreté nucléaire à 1 h 43 ! Plus drôle (?) : le chef d’exploitation au poste de commandement ne savait pas « se connecter au système d’information collaboratif de crise ». Encore plus drôle (?) : « Un équipier ne connaissait pas le code du câble de protection antivol. »

Tu as été bouleversée, j’imagine, comme moi-même j’ai été bouleversée, comme nous avons été des millions à être bouleversés, en regardant la photo d’un ours tenant tout juste sur un petit iceberg en train de fondre. Il va mourir ! Il va s’enfoncer ! Au secours ! Il faut agir ! Mais, personne, presque personne, je le crains, n’est bouleversé en apprenant que plus de 8000 tonnes de combustibles irradiés, plus de 55 tonnes de poudre d’uranium, des milliers de mètres cubes de déchets, sont sous nos pieds, dans le nord de la presqu’île du Cotentin, ce pays qui était pâturage (hag), que plusieurs millions de litres de rejets liquides radioactifs sont dispersés dans le raz Blanchard, là, dans la mer.

Un ours, oui, c’est touchant, mais les papillons ? Tu ne sais pas ? Quand la centrale nucléaire de Fukushima a explosé, suite à un tsunami, tu n’avais que huit ans, mais tu devais être déjà très curieuse de savoir et capable d’indignation. Tout de même, sais-tu que, jusqu’à 200 kilomètres de la catastrophe, les papillons bleus ont les ailes atrophiées, courbées, en surnombre, les antennes difformes, les yeux bosselés, la couleur altérée. Pas grave ? Sans antennes pour explorer leur environnement, ces insectes sont mal. Ce sont seulement 12% des sujets qui sont atteints ? Oui mais, à la génération suivante, les mêmes anomalies sont relevées sur 18%, à la troisième génération, plus de 33%, et à la suivante, 52%. Les dommages sont génétiques. Le nucléaire est sournois. Il progresse à travers le temps, à travers les siècles.

Or, nous voulons des ours, nous voulons des coquelicots, nous voulons des papillons.

Pendant ce temps, les paysans ukrainiens pauvres tentent d’abattre des dizaines de loups radioactifs et enragés qui les attaquent, le soir, près de la zone d’exclusion de Tchernobyl. Ils ne peuvent même pas vendre les peaux, qui sont contaminées. Pendant ce temps, les éleveurs Touaregs sont expulsés de leur territoire, les terres et les eaux nigériennes subissent les pollutions radioactives liées à l’extraction de l’uranium, nécessaire aux chauffages électriques des Français. Ni vu, ni connu, en 2010, Areva déverse 200 000 litres d’effluents radioactifs, à seulement 3,5 kilomètres de la ville d’Arlit. Et les fausses couches sont légion. Et les autochtones sont la proie de « maladies étranges ».

Pourquoi une telle indifférence au mal souterrain? Pourquoi un tel déni ? Parce qu’il n’y a pas d’images ? Parce que la radioactivité ne se voit pas ? Qui s’inquiète des 150 000 tonnes de déchets radioactifs déversés dans l’Atlantique ? Qui dénonce les 17 000 tonnes qui gisent à 100 mètres de fond dans la fosse des Casquets (La Hague) ? Le plastique, au moins, on le repère.

Chère Greta Thunberg, toi, tu n’es pas dans le déni. Tu dis clairement: il faut s’instruire, il faut écouter les scientifiques. Tu relaies magnifiquement les rapports du GIEC. Mais n’as-tu pas connaissance des analyses du GSIEN, le Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire ? Ces savants expliquent que, malgré toutes les recherches faites depuis qu’on s’est lancé dans le programme nucléaire, donc depuis les années 1950, aucune solution n’a été trouvée pour l’élimination des déchets. « Faute de solution pour les supprimer, on se trouve dans la situation où l’on crée des matières très dangereuses et qui le resteront bien après que l’homme aura cessé d’utiliser l’énergie nucléaire. C’est l’un des plus graves problèmes liés à l’utilisation de cette énergie. Les technocrates l’occultent en disant que l’on trouvera bien une solution. […] Cela relève de l’acte de foi, non d’une attitude scientifique. » En 2022, il n’y a toujours pas l’ombre d’une solution. En attendant, les déchets s’entassent dans la très vieillissante usine de la Hague. Dès 2018, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire alertait sur la « saturation des piscines de La Hague, où refroidissent 10 000 tonnes de combustibles irradiés ». C’est l’équivalent de plus de cent-dix cœurs de réacteurs ! Et ces piscines sont très mal protégées. La solution à la saturation ? On a voulu en construire une autre à Belleville (Loire), les habitants ont refusé, alors ce sera sur le site de La Hague, encore et toujours. D’une capacité de 6500 tonnes, soit 13 000 assemblages de combustibles usés, elle va être entourée d’un mur de 5 mètres de haut sur 5 kilomètres. Charmant paysage !

Et les plus gros déchets, ce sont les centrales elles- mêmes, qu’on ne sait pas démanteler. N’as-tu pas entendu l’alerte du polytechnicien et physicien nucléaire, Bernard Laponche ? Il a participé à la mise en place des premières centrales nucléaires en France puis il a compris cette aberration : ces monstres de béton ne servent qu’à faire bouillir de l’eau chaude. Au passage, les deux tiers de la chaleur étant perdus, ils réchauffent les fleuves et la mer, car il faut refroidir les réacteurs en permanence avec de grandes quantités d’eau. La température du Rhin a augmenté de près de trois degrés. Les poissons n’apprécient pas. Tu comprends bien que non seulement le nucléaire ne sauvera pas le climat, mais que le réchauffement climatique rend encore plus dangereux le nucléaire. Déjà en 2003, l’année de ta naissance, la France avait été obligée de fermer dix-sept de ses réacteurs à cause d’une première canicule. Qu’en sera-t- il en 2050 quand l’étiage des cours d’eau aura baissé d’au moins 20% ?

En rejetant leur eau, les sites nucléaires sont autorisés à rejeter du tritium, du carbone 14, du chlore, des nitrates, des sulfates, du zinc, du cuivre… Je te parle là d’un fonctionnement normal. De même, en fonctionnement normal, la centrale de Flamanville – me voilà revenue dans ma matrie – est autorisée à laisser fuiter dans l’atmosphère 100 kg de gaz SF6 par an (chaque centrale a son autorisation annuelle). C’est quoi, ce SF6 ? C’est de l’hexafluorure de soufre, un gaz à effet de serre extrêmement puissant, puisqu’un seul kilo de ce fameux SF6 équivaut à presque 23 000 kilos de CO2 en termes de pouvoir réchauffant. Et, comme si cela ne suffisait pas, le 6 août 2020, l’usine de Flamanville a dépassé de 2 kg le seuil maximum autorisé. Quoi ! je m’indigne pour deux petits kilos ? Certes oui, car ce dépassement, cumulé pour les sept premiers mois de l’année 2020, équivaut déjà à près de 2 350 000 kg de CO2 rejetés dans l’atmosphère.

Tu le comprends bien, c’est un mensonge éhonté, c’est une tromperie scandaleuse (how dare you ?) quand des ministres, des dirigeants, des personnes influentes te disent que les trottinettes électriques sont propres, que les vélos électriques sont propres, que les voitures électriques sont propres. Tu as été heureuse, me semble-t-il, de la voiture électrique offerte par Schwarzenegger. J’espère que tu ne crois pas à cette fable du « zéro émission » puisque la construction d’une voiture électrique consomme une très grande quantité de métaux : lithium, cuivre, cobalt, dont l’extraction minière – un des plus gros pollueurs du monde – est un enfer pour les populations locales. Mujeres Diaguitas, Ancestras del Futuro, l’union des femmes des peuples Diaguitas d’Argentine et du Chili, appelle au secours : « L’extraction du lithium affecte jour après jour notre rivière ancestrale. » Elles ont fait 80 kilomètres à pied dans les Andes pour dénoncer cet écocide. Leur cri est-il parvenu jusqu’à toi ?

Mais il faut aussi penser à l’origine de l’électricité : en France 80% de notre électricité vient du nucléaire, énergie hautement polluante et hautement dangereuse. En Suède, dans ton pays, 42%, avec 6 réacteurs nucléaires – comme il y en avait en Allemagne. Comment se fait-il que la France en compte 56, soit, de loin, le plus grand nombre en Europe ? Cela remonte à De Gaulle, notre dirigeant des années 1960. C’était un général, un homme de guerre. Il a voulu pour la France une force de frappe impressionnante, un système d’armes nucléaires. Il a fait le choix de développer la filière nucléaire, en incluant une usine dite de retraitement pour extraire du plutonium, donc pour des raisons militaires. Quatre à huit kilos de ce plutonium suffisent pour fabriquer une bombe. Or, à La Hague, 61 tonnes sont entreposées [fin 2021, il y avait 80 tonnes de plutonium entreposées à La Hague dont 66,4 tonnes appartiennent à la France]. Le grand Charles, comme on l’appelait, a vu grand. Après la COP 26, le petit Macron, notre dirigeant actuel, veut construire des petits EPR. Rien de nouveau : multiplication du risque nucléaire, production de déchets ingérables et coût exorbitant – au moins 46 milliards, si ce n’est 64 selon d’autres estimations sérieuses.

Tu viens de le dire, chère Greta Thunberg, le nucléaire est « extrêmement dangereux et coûteux ». Notre physicien, Bernard Laponche, nous le confirme : « La catastrophe est intrinsèque à la technique. Le réacteur fabrique les moyens de sa propre destruction. Le risque d’accident majeur en Europe est une certitude. »

Le nucléaire est « extrêmement dangereux et coûteux », dis-tu. Après avoir lu ma lettre, tu ajouteras, j’en suis sûre, hautement polluant.

Le nucléaire est « extrêmement dangereux et coûteux », dis-tu. À l’heure où j’écris ces lignes, alors que s’annonce le froid de l’hiver 2021-2022, 16 réacteurs sur les 56 que compte la France sont à l’arrêt, pour « suspicion de défaut générique », en particulier les quatre plus gros réacteurs (centrales de Chooz et de Civaux), en raison d’une défaillance sur une pièce essentielle en cas d’accident. En effet, « EDF a annoncé mercredi 15 décembre avoir détecté un problème de corrosion et de fissuration dans les circuits d’injection de sécurité ». Le danger, c’est « une surchauffe du combustible et, à terme, l’accident avec fusion du cœur », comme à Three Mile Island et à Fukushima. Alors, le nucléaire ? Extrêmement dangereux et coûteux, hautement polluant et même aléatoire !

En 2012, neuf prix Nobel de la paix ont envoyé une lettre ouverte aux dirigeants du monde, qui résume bien la situation. « Il est temps de reconnaître, écrivent-ils, que le nucléaire n’est pas une source d’énergie propre, ni sûre, ni économiquement abordable. […] [Sont évoqués les accidents de Sellafield au Royaume-Uni en 1957, de Three Mile Island aux États-Unis en 1979, de Tchernobyl en Ukraine en 1986, de Fukushima au Japon en 2011.]

Dans le monde entier, les gens craignent aussi l’éventualité d’attentats terroristes dirigés contre les centrales nucléaires. Mais la radioactivité ne doit pas seulement nous inquiéter en cas d’accident nucléaire. Chaque étape de la chaîne du combustible nucléaire relâche de la radioactivité, à commencer par l’extraction de l’uranium; ensuite cela continue durant des générations car les déchets nucléaires contiennent du plutonium qui restera toxique pendant des milliers d’années. […] Les programmes nucléaires civils fournissent les matières nécessaires à la fabrication d’armes nucléaires.» Sur ces neuf prix Nobel, une majorité, six, sont des femmes. Hasard ?

Sûrement. Je ne pense pas que les femmes soient, par je ne sais quelle essence (l’essence, ça pue et ça pollue), plus sensibles que les hommes au chant des oiseaux et à l’amour des petites fleurs. Mais, je marche, oui je marche, avec des Brésiliennes, des Sahraouies, des Québécoises, des Congolaises, des Kurdes, des Pakistanaises… et toutes les femmes du monde entier qui résistent aux « mégaprojets industriels qui offensent leur corps, polluent la Terre et détruisent leurs territoires », « d’un océan à l’autre », menacent la biodiversité et les baleines à bosse, ces femmes qui s’opposent à la militarisation, ces femmes qui mènent des luttes de résistance contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et le colonialisme, ces femmes de la Marche mondiale des femmes qui, comme protectrices de « la Terre-Mère » et de nos « espaces de vie », construisent un « mur de femmes pour stopper les industries dévastatrices », un mur unifiant « à la différence des murs érigés à travers le monde ». Ces femmes, en voulant protéger leur matrie, leur lieu nourricier, veulent protéger la planète, car « tout se tient, tous les crimes de la force » (comme l’écrivait déjà Louise Michel au XIXe siècle).

Comme toutes ces femmes, comme moi, tu te bats à poings fermés pour la vie. Tu te bats pour la survie de la planète. Le nucléaire, c’est la guerre ! La romancière japonaise Hiromi Kawakami a dit, après la catastrophe de Fukushima : «Je pense que l’humanité va bientôt disparaître. » Et moi, je t’écris cette lettre pour que tu saches qu’à la Hague est programmée la fin du monde, la fin de notre monde. Je t’écris cette lettre comme un appel au secours. Ta voix, ta jeune voix, persuasive et pressante, peut le porter haut et fort à la face des puissants.

Gazette nucléaire n° 297 – Août 2022, page 31

Xavière Gauthier.

***

GSIEN : GROUPEMENT DE SCIENTIFIQUES POUR
L’INFORMATION SUR L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE
Un groupe de « lanceurs d’alerte » depuis 1975

Qu’est ce que le GSIEN ?

Le GSIEN est une association loi 1901 qui a été créée en 1975, suite à l’appel des 400 de février 1975, appel de scientifiques dont 200 physiciens nucléaires. Cet appel « A propos du programme nucléaire français » se concluait sur les phrases suivantes : »Nous pensons que la politique actuellement menée ne tient compte ni des vrais intérêts de la population ni de ceux des générations futures, et qu’elle qualifie de scientifique un choix politique. Il faut qu’un vrai débat s’instaure et non ce semblant de consultation fait dans la précipitation. Nous appelons la population à refuser l’installation de ces centrales tant qu’elle n’aura pas une claire conscience des risques et des conséquences. Nous appelons les scientifiques (chercheurs, ingénieurs, médecins, professeurs) à soutenir cet appel et à contribuer, par tous les moyens, à éclairer l’opinion. »

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La politique énergétique de l’État met le pays en danger

par Annie et Pierre Péguin 

suite aux Journées d’été du collectif Arrêt du Nucléaire, juillet 2022, 

Notre pays, de plus en plus dépendant des pays voisins pour assurer son approvisionnement en électricité, apparaît particulièrement fragile pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine et aux événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents.

En prolongeant le fonctionnement des vieux réacteurs, il accroît le risque de catastrophe atomique. En prétendant lancer la construction de nouveaux réacteurs EPR, le gouvernement s’enferre dans des choix de politique énergétique qui nous conduisent droit au mur.

La vétusté de nos centrales, l’émergence de défauts génériques et le réchauffement climatique entraînent, avec l’arrêt de la moitié du parc, une production insuffisante pour assurer les besoins en électricité du pays. Il en résulte un appel croissant au soutien des pays voisins.

Si jusque ici la France a pu compter sur le réseau européen pour assurer ses pics de consommation, ses besoins d’importation en cours de journée s’accroissent avec la défaillance de ses centrales, tandis que la réduction des importations d’hydrocarbures russes va rendre plus difficiles et plus chers les transferts d’électricité depuis les pays proches.

Le pays est donc confronté à de sérieuses difficultés : hausse importante du prix de l’électricité, délestages probables en période de pointe (coupures de courant temporaires et localisées) afin d’éviter un effondrement du réseau au cas où la consommation dépasserait la quantité d’énergie électrique disponible. La tentation est grande de faire fonctionner des équipements en dehors des normes de sûreté et de faire courir le danger d’une catastrophe atomique. On ne peut pas compter sur la vigilance de l’Autorité de sûreté nucléaire, trop soumise aux impératifs de survie de cette industrie.

Notons, pour en rire si c’est possible, que l’ASN a dénoncé le cas caricatural des groupes électrogènes diesel de secours des réacteurs nucléaires : cette technique on ne peut plus rustique, sur laquelle repose notre sécurité, est déclarée défaillante, en particulier en cas de séisme ! Et à l’esssai une partie des groupes électrogènes de secours ont même pris feu au démarrage….

Comment en est-on arrivé là ? Il faut pour le comprendre remonter aux choix de politique énergétique engagés par l’État depuis une soixantaine d’années : investissements massifs et coûteux dans le « tout nucléaire » électrique avec la construction à marche forcée de 58 réacteurs, qui de ce fait arrivent tous en fin de vie dans la même décennie, chauffage électrique encore relancé actuellement alors qu’en Suisse par exemple il est interdit, climatisation ; autant d’obstacles au développement de l’efficacité énergétique et de moyens de production d’énergie renouvelable décentralisés (solaire, éolien essentiellement).

Cela n’empêche pas l’Etat de prétendre vouloir relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR au nom d’une indépendance énergétique chimérique, du soi-disant faible coût de l’électricité nucléaire mais en réalité financée par nos impôts pour éviter la faillite d’EDF, et de la prétendue production d’énergie électrique décarbonée. 

Mais l’énergie nucléaire n’est pas une solution face au réchauffement climatique — même si la France a réussi, à force de lobbying, à obenir de l’Union européenne qu’elle soit classée comme énergie de transition.

En fait, le faible rendement thermique des centrales fait que les deux tiers de la chaleur produite ne servent qu’à réchauffer l’environnement. De surcroît, la pénurie d’eau et les conditions climatiques extrêmes en rendent le fonctionnement intermittent.

Pourtant il est acquis que l’avenir passe par d’autres voies. Et d’abord par la sobriété et l’efficacité énergétiques, appliquées jusqu’au plus haut sommet de l’Etat et des grandes entreprises, la meilleure énergie étant celle qui n’est pas consommée. Ce n’est certainement pas le développement du transport routier, l’éloge de la vitesse, le soutien inconditionnel aux industries aéronautiques (y compris militaires) et automobiles (voitures électriques), l’explosion du numérique, etc., qui répondront à cette attente.

Il est aussi possible, on le sait, de produire une électricité moins chère et moins polluante, à partir de l’énergie qui nous parvient naturellement du soleil. L’Allemagne et l’Italie, produisent déjà la moitié de leur énergie de cette façon et vont accélérer cette évolution pour être moins dépendants du gaz et du charbon. Avec l’Espagne, ce sont ces pays qui, pour l’instant, comblent notre déficit de production électrique aux heures de pointe, et de plus en plus souvent dans la journée.

De plus, sachant qu’au maximum de ses possibilités, l’électricité nucléaire a couvert à peine 17 % de la consommation totale d’énergie en France, il faudrait, pour réduire significativement la consommation d’énergie fossile, construire près de 200 réacteurs, et cela dans des délais extrêmement courts . Est-ce seulement imaginable ?

Enfin, avec tout ce qu’elle implique d’extraction de matériaux, de béton, d’énergie, de transports et de rejets, c’est un mensonge de prétendre que l’énergie nucléaire est décarbonée.

N’oublions pas non plus l’énorme production de déchets radioactifs, à gérer pour des temps infinis à notre échelle, les dégâts sur la santé des êtres vivants et bien sûr les risques de catastrophe !

Aux mains de la nucléocratie, l’État s’entête, ne veut rien comprendre, cela pour protéger les intérêts de grands groupes et d’élus locaux bénéficiant de la « manne » nucléaire, mais aussi pour préserver la maintenance de la force de frappe au nom de la « grandeur » de la France. Il s’apprête même à annoncer la construction de 6 réacteurs EPR au mépris de toute démocratie.

Pourtant il est acquis que l’avenir passe par d’autres voies. Et d’abord par la sobriété et l’efficacité énergétiques, appliquées jusqu’au plus haut sommet de l’Etat et des grandes entreprises, la meilleure énergie étant celle qui n’est pas consommée. Ce n’est certainement pas le développement du transport routier, l’éloge de la vitesse, le soutien inconditionnel aux industries aéronautiques (y compris militaires) et automobiles (voitures électriques), l’explosion du numérique, etc., qui répondront à cette attente.

Il est aussi possible, on le sait, de produire une électricité moins chère et moins polluante, à partir de l’énergie qui nous parvient naturellement du soleil. L’Allemagne et l’Italie, produisent déjà la moitié de leur énergie de cette façon et vont accélérer cette évolution pour être moins dépendants du gaz et du charbon. Avec l’Espagne, ce sont ces pays qui, pour l’instant, comblent notre déficit de production électrique aux heures de pointe, et de plus en plus souvent dans la journée.

L’annonce de décisions de construction de nouveaux réacteurs et de nouveaux équipements de gestion des déchets (Cigeo à Bure, piscines à la Hague) sans consultation démocratique relève de la fuite en avant. Elle doit provoquer une réaction massive et radicale : revendiquons l’arrêt du nucléaire sans délai, à commencer par celui des plus vieux réacteurs. C’est la condition pour que les sommes considérables investies dans l’énergie nucléaire puissent être employées utilement.

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La grande INTOX du nucléaire

Pierre Péguin, mai 2022

Atomes crochus No 6

Pour l’arrêt du nucléaire

La bataille idéologique autour du nucléaire est relancée depuis peu.
En cause, la question du climat qui mobilise beaucoup de jeunes et de militants écologistes. Pour le lobby du nucléaire, confronté à de multiples difficultés et au bord de la faillite, c’est inespéré ! Il mobilise ses réseaux pour prétendre que sa production électrique est «décarbonée», que l’arrêt du nucléaire en Allemagne s’accompagne de l’augmentation de la consommation de charbon, et que les énergies renouvelables posent trop de problèmes.


Le spectacle a de quoi déconcerter. Alors que le mouvement écologiste s’est construit dans les années 70 en France contre l’essor de l’industrie nucléaire, nous voyons cette dernière tenter aujourd’hui d’investir nos terrains de lutte. L’offensive est générale. Elle se fait à grands coups de campagnes publicitaires avec le soutien d’élus et d’influenceurs, tels que J.M. Jancovici de Shift Project, dans le but de convaincre l’opinion publique d’accepter la construction de nouveaux réacteurs.


Le combat est particulièrement intense auprès de la Commission européenne et du Parlement européen. L’enjeu est de taille : il s’agit pour le Gouvernement français d’obtenir que l’Europe classe le nucléaire comme une «énergie verte » prétendument «décarbonée ». Pour cela, Emmanuel Macron s’allie à certains États peu fréquentables tels que la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie ; en échange de leur soutien, il s’engage à fermer les yeux sur le charbon polonais et à œuvrer à la qualification d’énergie « verte » du gaz naturel ! Le Parlement européen donnera-t-il son accord à ces manœuvres ?

Le sujet s’est infiltré dans la campagne présidentielle, entre les pro-nucléaire (le PC, toute la droite et l’extrême-droite) et les rares anti (NPA, FI, EELV) qui n’appellent qu’à un arrêt progressif calqué sur le scénario Negawatt. L’opposition radicale appelant à l’arrêt au plus vite pour nous épargner d’avoir à subir une catastrophe atomique a donc été absente des débats….

Et si deux des six scénarios présentés par le réseau de transport d’électricité RTE montrent bien que nous pourrions produire une électricité 100 % renouvelable sans recourir au nucléaire, il n’est question bien sûr que de construire de nouveaux réacteurs, que réclame même la Cour des comptes ! Dans le même temps en France, les déclarations se succèdent annonçant l’imminence de la décision de construire de nouveaux EPR, et même de lancer une filière de petits réacteurs, tandis qu’en sous-main et sans attendre les autorisations officielles, EDF passe déjà ses commandes. Le fiasco de la construction de réacteurs EPR en cours, les difficultés financières d’EDF et d’Orano/Areva sauvés de la faillite par les contribuables n’empêchent pas nos dirigeants de foncer dans le mur.

Comme dans les pays voisins, il faut appeler à l’arrêt du nucléaire, et à la promotion de la sobriété énergétique en même temps que celle des énergies renouvelables. À l’inverse, les décisions de l’État, enrobées de beaux discours, nous engagent vers une société gourmande en électricité et en énergie. La surenchère dans le soutien au nucléaire d’une bonne partie de la classe politique est tout simplement lamentable et même criminelle. Les générations futures méritent mieux que ces propositions d’un autre âge, d’autant que la tragédie de la guerre en Ukraine montre comment l’existence de centrales nucléaires fragilise et menace un pays qui en est équipé !

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