Archives mensuelles : avril 2024

Financement des EPR2 : la France veut que la Suisse paie

Source : Reporterre 

Paris, 8 avril 2024 

https://reporterre.net/Financement-des-EPR2-la-France-veut-que-la-Suisse-paie

«La France estime qu’il est opportun que les pays qui ne veulent pas de nouvelles centrales nucléaires chez eux, mais qui importent volontiers de l’électricité nucléaire de France, participent aux coûts de construction des nouvelles centrales prévues en France.» Cette déclaration provient d’un représentant du ministère français des Affaires étrangères, prononcée lors d’une rencontre fin mars avec des journalistes européens, selon ce que rapporte le média suisse alémanique NZZ am Sonntag.

***

La déclaration ferait explicitement référence à la Suisse, selon ce média. Un précédent existe : les années 1970, des sociétés d’électricité suisses ont investi dans la construction des centrales nucléaires françaises du Bugey, de Cattenom et de Fessenheim, en contrepartie d’une garantie d’importation d’une partie de l’électricité produite vers la Suisse, rappelle Le Temps. Source Reporterre Paris, 8 avril 2024 https://reporterre.net/Financement-des-EPR2-la-France-veut-que-la-Suisse-paie

Selon Le Temps, les réactions suisses à cet appel à contribution au nouveau nucléaire français sont mitigées. Certains acteurs énergétiques seraient ouverts à la proposition, mais plusieurs grandes compagnies d’électricité comme Alpiq, Axpo ou BKW s’y opposent, préférant se concentrer sur le développement d’énergies renouvelables. En 2017, les Suisses avaient approuvé par référendum la sortie progressive de leur pays du nucléaire, mais un nouveau référendum sur le sujet devrait bientôt être lancé.

La France, de son côté, cherche manifestement à financer les surcoûts liés à la relance du nucléaire. Les six nouveaux réacteurs, EPR2, annoncés par Emmanuel Macron, avaient été estimés en 2021 à 51,7 milliards d’euros, mais cette estimation a été portée récemment par EDF à plus de 67 milliards d’euros. De son côté, Greenpeace avance dans un rapport publié en mars que les coûts dépasseront probablement les 100 milliards d’euros.

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Relance nucléaire contrariée ?

par Hugues HENRI

Academia, mars 2024,

https://www.academia.edu/116768336

Nucléaires civil et militaire indissociables ?

D’après Courant Alternatif numéro 338 – Info libertaire

« Courant Alternatif de mars 2023 abordait la question du nucléaire en

France avec entre autres le projet de fusion de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire,

500 salariés de droit public) et de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté

Nucléaire, 1700 salariés de droit privé) projet voulu par Macron. Celui-ci avait

imposé cette idée lors d’un conseil de politique nucléaire à l’Élysée, tenu à huis

clos, en février 2023.

EDF, la majorité et toutes les droites avaient applaudi car lancer au plus vite

et sans contestation la construction des EPR2, des SMR (Small Modular Reactor,

ces projets disruptifs portés par des start-upers aux dents longues) et prolonger

l’activité de nos (très) vieilles centrales nucléaires était des priorités politiques,

énergétiques et économiques et patriotiques exaltantes.

Le projet de loi a été adopté le 13 février par le Sénat malgré l’opposition de

l’intersyndicale des personnels de l’IRSN qui dénonce une loi qui « déstabilisera

durablement le système de gouvernance des risques nucléaires ». La fusion devra

être effective le premier janvier 2025. Le nouvel organisme prendrait le nom

d’Autorité Indépendante de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection (AISNR).

Pourquoi tant de hâte ?

Pourquoi tant de hâte ? C’est qu’avec la loi d’accélération du nucléaire le

temps est compté. Lorsqu’on fusionne deux organismes avec des activités, des

projets, des cultures et des statuts différents il se produit un vaste bordel qui fait

régresser la nouvelle organisation au lieu de l’améliorer. C’est un classique de la

sociologie des organisations.

Pour réduire cette « période transitoire, par nature délicate [qui] ne saurait

être concomitante avec la phase opérationnelle des nouveaux programmes

attendus… » il fallait que tout soit bouclé au plus vite ce « qui ouvre pour une

éventuelle réorganisation, une fenêtre d’opportunité relativement étroite sans doute

d’ici fin 2024. »

Si l’on traduit le jargon parlementaire, pour que tout se passe le moins mal

possible pour l’État-EDF il faut que tout soit verrouillé avant la fin de l’année afin

que les projets puissent s’engager. Un cadre« fluidifié » avec un interlocuteur

unique, l’ASN++, des procédures simplifiés et des délais raccourcis sans contrôle

ni contestation possible en interne, voilà le projet. Il faudra quand même expliquer

comment EDF et ses prestataires pourront avoir un interlocuteur unique quant une

partie des salariés passera sous la coupe du CEA et du ministère des Armées…

Comme EDF avait déjà anticipé la fabrication de pièces vitales pour l’EPR2

de Penly avant la fin du débat public (octobre 2022-février 2023), avant le vote de

la loi de relance du nucléaire et sans en informer l’ASN, fallait sécuriser la manip.

Un coup d’ASAP et vogue le Titanic de la sûreté nucléaire, tout est simplissime en

Nucléocratie.

Il y a bien quelques grumeaux dans le potage. Ainsi, plus de la moitié des

effectifs du service de l’IRSN chargé de « prévenir les actes de malveillance et de

terrorisme dans le nucléaire civil. » ont démissionné de leur poste après avoir

appris que la réforme allait les mettre directement « à la disposition du ministère

des Armées ».

À la disposition du ministère des armées ?

C’est sûr qu’avec des généraux et le secret-défense, l’information et la

protection des populations seront dans de bonnes mains d’autant que les futurs

avis de l’IRSN ne seront plus publiés en temps réel mais plusieurs semaines, mois,

années (?) après leur réalisation…

On constate par ailleurs qu’une épidémie kaki et militariste gagne le nucléaire

dit civil.

À Cadarache (pas d’activités militaires), un général remplace l’ingénieur civil

à sa tête. Idem à Saclay. En 2021, « EDF a confié à… l’amiral Jean Casabianca,

l’inspection générale de la sûreté de ses sites nucléaires. » Idem chez ORANO (ex

Areva). La « délégation interministérielle du renouveau du nucléaire (cad les

EPR2) » « est dirigé par l’ingénieur de l’armement cinq étoiles Joël Barre » et le

superviseur des chantiers des nouveaux EPR est Hervé Guillou, ex-patron de

Naval Group, la société nationale qui construit les navires de la Marine Nationale.

Et, lors du conseil de politique nucléaire du 3 février 2024, les décisions ont

été prises sur la base d’un rapport rédigé par un « civil qui a longtemps dirigé le

département des applications militaires du CEA. », un mec fiable, quoi.

Nucléaire géré par Bercy ?

Le tableau ne serait pas parfait si on oubliait que l’actuel ministre de

l’Économie vient de récupérer dans son portefeuille l’ensemble de la politique

énergétique dont le nucléaire. Fini le ministère de la « transition énergétique ».

Bonjour au nucléaire piloté par l’administration du Trésor dont on connaît

l’humanisme discret appris à l’ENA.

Ces deux éléments montrent bien la volonté étatique de mettre sous le

boisseau toute contestation interne (en attendant d’écraser celle externe ?) et de

contrôler l’ensemble du secteur nucléaire sans même faire semblant de jouer la

carte de la fiction démocratique.

En ce début de 21ème siècle on assiste au retour en force (désespéré ?) de

l’État-EDF et de l’État-CEA des années 1950-1990, pour tenter d’imposer une fois

de plus dans l’opacité un programme nucléaire gigantesque mais totalement

branlant (au plan financier, économique, technique et énergétique) aux cochons de

citoyens. Citoyens que l’on tente d’apeurer, d’insécuriser, de réprimer et de

tétaniser en permanence face à ce qui se met en place.

Cette dérive autoritaire menée par des micro-milieux sociaux élitistes

marqués par un entre-soi techno-bureaucratique montre bien que l’État c’est eux !

Et qu’ils sont nos pires ennemis…

SMR : miroir aux alouettes nucléaires ?

NuScale est la société états-unienne phare dans les SMR (Small Modular

Reactors, Petits réacteurs nucléaires modulaires). Cette start-up conquérante vante

ses formidables réalisations qui n’ont pas dépassé le stade des études théoriques.

Les deux seuls SMR fonctionnant actuellement sont des démonstrateurs bien loin,

un en Russie, l’autre en Chine. Elle occupe, avec un storytelling plutôt efficace,

l’espace médiatique et financier du business des SMR gavés aux fonds publics

(600 M de $ depuis 2014 et 1,5 milliard pour son projet Utah rien que pour

NuScale).

Malheureusement dans sa course effrénée à la recherche de capitaux elle a

poussé ses pions « … aux limites du mensonge pour accaparer les financements

(la société fait l’objet d’un enquête après qu’un rapport de vente à découvert ait

allégué qu’elle avait vendu 24 réacteurs à un ‘faux client’ (une entreprise de

cryptomonnaies) bien incapable de les financer ».

De plus, afin de dissimuler les coûts réels de fonctionnement de son

hypothétique SMR, NuScale a omis dans ses projets, les « … structures de

confinement étanches et systèmes de sécurité de secours… fiables. [le projet] ne

disposait également que d’une seule salle de contrôle pour 12 unités de réacteur

[produisant chacun 60 mégawatts d’électricité] ». La Commission US de

réglementation nucléaire (NRC) exigeait elle, une salle de contrôle pour 2

réacteurs. Elle a aussi tenté de « … contourner les réglementations de sécurité

critiques, notamment les exigences relatives aux plans d’intervention d’urgence

hors site pour protéger les communautés voisines. »

Un malheur ne venant jamais seul, son action a dévissé de plus de 33 %

début 2024, après qu’elle ait été obligée d’abandonner son projet phare, celui de

l’Utah Association of Municipal Power Systems « passé de 3,6 milliards de dollars

pour 720 mégawatts en 2020 à 9,3 milliards de dollars pour 462 MW en 2022. » ce

qui a provoqué le départ de nombreuses municipalités de l’Utah attirées par cette

fumeuse énergie « décarbonée » à bas prix, mais passée de 58 à 89 £ le kWh en

une année.

SMR « à la française ? »

Le SMR semble être en France le « Graal des nucléocrates », privés ou

étatiques. Un milliard d’€ a été attribué à la recherche sur ceux-ci dans le cadre du

plan France 2030. Cela fait saliver et plusieurs projets qui ont pour caractéristique

commune leur stade embryonnaire (malgré le blabla qui entoure leurs

« avancées ») se tirent la bourre.

Le moins mal parti est NuWard. Regroupant TechnicAtome, le CEA,

Naval Group et EDF. Le projet est basé sur « deux unités de 170 MW couplées et

pilotées par une unique salle de commande » et s’appuie « sur le retour

d’expérience du projet de propulsion des sous-marins nucléaires d’attaque

Barracuda ». Il s’agit donc de réacteurs classiques à eau légère. 170 millions d’€

supplémentaires lui ont été attribués pour la recherche dans le cadre du plan de

relance 2020.

Les autres projets, « dits de 4ème génération, caractérisés par des liquides

de refroidissement alternatifs (métal liquide, gaz, sels fondus) » sont portés par des

start-ups qui espèrent devenir des « licornes » capitalistes.

Hexana, Stellaria (toutes deux issues du CEA), Jimmy Energy, Naarea,

Transmutex, Renaissance Fusion, mais aussi Newcleo, Calogena, Otrera Nuclear

Energy, Blue Capsule prétendent vendre du super-innovant, du rapide et de

l’efficace.

En réalité c’est très, très « oldschool » car les technologies rappellent

furieusement les surrégénérateurs Phénix (arrêté), Super Phenix (abandonné suite

à divers accidents) et Astrid (programme arrêté par Macron en 2019).

xxxf rien s’ajoute tout le reste, comme le montre bien Bernard Laponche qui

analyse et critique les récents propos du directeur de l’ASN de janvier 2024.

Les SMR doivent être soumis aux mêmes règles que les réacteurs classiques pour

les « enjeux de sûreté, de sécurité et de non-prolifération… » même si certains

SMR innovants « présentent des caractéristiques intrinsèques de sûreté

potentiellement prometteuses ».

Lesquelles ? La sécurité dite « passive ». Or, « Parler de sûreté passive peut

être rassurant pour le public, mais d’un point de vue technologique ou de

probabilités, il n’y a pas d’avantage en soi à la sûreté passive par rapport à la

sûreté active, précise Renaud Crassous, le président de Nuward… » Si c’est eux

qui le disent…

« L’utilisation de SMR en France ne présenterait pas grand intérêt pour la

production d’électricité au vu de l’importance du parc actuel des centrales d’EDF et

des projets annoncés. » Pour EDF l’espoir c’est l’exportation avec tous les risques

de prolifération nucléaire mondiale ET le marché intérieur car les « SMR pourraient

être très utiles pour la production de chaleur ou de vapeur pour les industries de

process (industrie papetière, agroalimentaire, chimique, etc.) »

Intégration industrielle des SMR ?

Problème : « Il faudrait alors implanter le réacteur SMR très près de

l’installation industrielle ou même, d’après l’ASN, à l’intérieur de cette installation. »

Cela rendrait ces installations intrinsèquement doublement dangereuses car « on

ne peut pas admettre la présence d’une installation nucléaire de base, contenant

des matières hautement radioactives au sein d’une installation industrielle

classique, de type ICPE dans laquelle une situation accidentelle grave (AZF,

Lubrizol) pourrait endommager l’unité SMR et transformer l’accident en

catastrophe. »

Pour être rentable, la filière SMR doit être industrialisée, standardisée et

produire beaucoup. Il faut des centaines de clients privés, dispersés sur tout le

territoire. Or « l’ASN et l’IRSN portent une très grande attention aux « agressions

extérieures » d’origine naturelle ou malveillante. Que deviennent ces

préoccupations… sur des emplacements… dont l’emplacement a été choisi hors de

toute préoccupation de sûreté et sécurité nucléaires ? »

Les réacteurs dits innovants posent eux des tas de problèmes encore

inconnus. Quel sera leur comportement en conditions normales, ou en cas

d’accident ?

Il n’existe aucune information sérieuse sur les coûts réels de cette future

filière qu’il s’agisse de la conception, de la construction, l’exploitation (ils seront

déjà plus gourmands en main-d’oeuvre que les centrales classiques), des

combustibles (fabrication et retraitement), comme du démantèlement et de la

gestion des déchets.

C’est simple, avec les SMR on retourne à l’âge d’or de la nucléocratie

française où toutes ces questions avaient été planquées et niées.

SMR privatisés ?

Dernier élément inquiétant : l’apparition de nouveaux acteurs privés « très

ambitieux, qui veulent que ça aille vite », au point d’inquiéter l’ASN. « Nous avons

devant nous des vendeurs, qui n’ont pas toujours la maturité technologique

suffisante et qui ne voient pas le sujet de manière globale, expliquait-il. Nos

interlocuteurs n’ont en tête que très rarement ce qui est lié au cycle du

combustible : souvent, ils nous présentent des projets avec des combustibles qui

n’existent même pas, qui sont à un niveau d’enrichissement extrêmement élevé et

pourraient poser problème en matière de prolifération. Et ils ne se préoccupent pas

des déchets. »

La finalement très vieille Start-up Nation présidentielle renoue sans complexe

avec les principaux éléments du très vieux crétinisme criminel originel du

programme nucléaire français des années 70. Ils en reprennent tous les éléments

en accéléré pour mettre en place un système aussi – voire plus – dangereux qui

s’ajoutera aux dangers de l’actuel. Cela en s’appuyant sur l’irresponsabilité, la

cupidité, l’arrogance du nouveau capitalisme des start-upers qui avec leurs barbes

bien taillées, leurs pantalons et liquettes près du corps, n’ont qu’une devise « prend

l’oseille et tire-toi ».

Le SMR qui rassure ?

D’après Le Canard enchaîné

La France sera-t-elle couverte demain de mini-réacteurs nucléaires ? Il y en

aura des centaines, dit-on chez les nucléocrates. Des tas de Start-up sont sur le

coup, très douées pour la com’ comme on l’a vu plus haut. On veut aller très vite,

y’a plein de sous à se faire : Macron a mis un milliard d’euros de subventions sur la

table, dans son fameux plan « France 2030 ».

La Start-up Jimmy qui a été créée il y a quatre ans par un polytechnicien et

une diplômée d’HEC, a déjà reçu 32 millions d’euros. Elle promet de mettre en

service le 1 et SMR français d’ici à la fin 2026 : un magnifique réacteur de 20 m3

qui fournira 20 MWth ( mégawatts thermiques). Jimmy dit avoir embauché 70

spécialistes et promet de passer à la production en série de SMR en créant 300

emplois dans une usine de générateurs qui devrait sortir de terre au Creusot selon

Les Échos du 15/02/2024.

Mais actuellement seuls quatre SMR fonctionnent dans le monde, 2 en

Chine, 2 en Russie. Une centaine de projets sont en route, mais aucun n’avance

réellement. EDF qui s’est mise sur les rangs avec sa filiale Nuward, compte faire

tourner son 1er prototype d’ici à onze ans, or le but affiché dans France 2030 est

de décarboner le plus vite possible.

Acceptabilité des SMR ?

Justement, pour décarboner, donc approvisionner les usines en chaleur et

électricité grâce aux mini-réacteurs nucléaires, il faut les installer à proximité de ces

usines, donc dans les zones industrielles ou juste à côté. Là où beaucoup de gens

ont leur pavillon et leur jardin. Certes la majorité des Français a oublié Fukushima,

et d’après les sondages’ 46% d’entre eux font confiance au nucléaire, un niveau

record jamais atteint auparavant. Mais que se passera-t-il quand les SMR

débarqueront aux portes des agglomérations françaises ?Les riverains

applaudiront-ils des deux mains ? Se réjouiront-ils d’habiter à deux pas d’un truc

tout à fait nouveau, tout beau, mais hautement radioactif et dangereux ? Fort

attractif pour des terroristes de passage ?

C’est seulement maintenant que les amis du nucléaire, prompts à refuser les

éoliennes qui polluent le paysage, vont prendre conscience des risques induits par

la proximité des SMR. Bernard Dorosczuk, président de l’ASN, le gendarme du

nucléaire, a ainsi évoqué le 30 janvier 2024, ce « sujet majeur d’acceptabilité »,

qu’il faut traiter avec beaucoup d’attention car « il existe un risque que ces projets

de SMR rencontrent des oppositions ». Depuis fleurissent des articles dans la

presse qui évoquent le défi que constitue cette acceptabilité des SMR. Le Canard

ironise sur la probabilité de voir paraître de belles campagnes de propagande

destinées à nous convaincre que « vivre à côté des SMR’ c’est aimer la planète et

se montrer éco-responsable ? »

Ces questions d’acceptabilité auraient dû être posées au préalable lors du

« Débat national sur le nucléaire » qui a avorté en 2023 à cause de

l’empressement du gouvernement d’Elisabeth Borne à faire passer les lois de «

facilitation et d’accélération de la relance nucléaire ». Malheureusement, il n’en a

pas été question, mais l’opposition future des riverains à l’installation de SMR

proches de leur domicile est quasi certaine, trop tard pour entamer un débat de

fond sur cette relance du nucléaire hélas ! Par ailleurs, les malheurs de l’EPR de

Flamanville continuent :

Tout proche de sa mise en service, l’EPR de Flamanville accuse un nouveau retard

Le feuilleton interminable de l’EPR de Flamanville continue. La fin de

l’examen de l’EPR de Flamanville (Manche) par l’Autorité de sûreté nucléaire

approche. Mais les délais de consultation publique préalable à sa mise en service

ne vont pas permettre à EDF de tenir son calendrier.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a fait savoir mardi qu’elle était en train

d’achever l’examen de l’EPR de Flamanville (Manche) et qu’elle soumettrait

prochainement à consultation du public un projet d’autorisation de mise en service

du réacteur, une procédure qui ne peut pas durer moins de deux semaines.

Ce calendrier implique de fait un nouveau retard du projet réalisé par EDF,

qui prévoyait de charger le combustible avant la fin du mois de mars, indique

Reuters. En début d’année, l’ASN avait alerté – à raison – sur un calendrier « tendu

et sans marge de manoeuvre » pour un démarrage de l’EPR de Flamanville début

avril.

L’ASN en passe de boucler l’évaluation de la chaudière

L’électricien public n’a pas souhaité commenter ces informations. Dans ses

indications au marché, le chargement du combustible nucléaire est toujours prévu

en mars 2024, et le raccordement au réseau mi-2024.

Dans une réponse écrite à des questions de Reuters, l’ASN a précisé qu’elle

était également en train d’achever l’évaluation de conformité de la chaudière de

l’EPR et qu’elle ne pourrait donner son autorisation à la mise en service du

réacteur – dont EDF doit disposer avant de charger le combustible – moins de trois

jours après la fin de la consultation publique.

Estimé à trois milliards d’euros lors de son annonce en 2004, l’EPR de

Flamanville devait initialement entrer en service en 2012, mais des difficultés à

répétition sur le chantier ont entraîné de multiples retards et surcoûts du projet,

réévalué à 13,2 milliards d’euros selon les dernières indications en date fournies

par EDF, fin 2022, mais l’ardoise s’est encore alourdie depuis. De plus, le coût

estimé pour la construction des six EPR-2 a été revu à la hausse passant de 55

milliards d’euros à 67 milliards d’euros. Ce n’est pas fini, car celui des EPR

d’Hincley Point a lui aussi été revu à la hausse et cela remet en question le choix

injustifié de l’EPR qui se caractérise enFrance, et ailleurs, par des surcoûts

énormes et des retards conséquents dans la mise en route et le raccordement au

réseau comme on l’a vu en Chine et en Finlande. Rappelons enfin, l’extrême

dépendance de la France à la Russie pour son approvisionnement en uranium

naturel et enrichi.

Offensive des USA contre la collaboration EDF/ROSTOM ?

D’après Le Canard enchaîné du 27 mars 2024.

À Washington, les « trumpistes » se préparent à faire passer une proposition

de loi pour convaincre Framatome et EDF à couper tout lien avec la société

étatique russe ROSTOM, panique chez les nucléocrates tricolores.

C’est ce qu’affirme une note adressée au Quai d’Orsay à la mi- février 2024,

par l’ambassade de France à Washington. À la Chambre des Représentants, le

parti républicain a fait adopter une proposition de loi pour « affranchir les pays

occidentaux de tout lien avec la Russie dans le nucléaire civil ». Sauf les USA, qui

dépendent à 30% de l’uranium enrichi venu de Russie.

Réactions déchaînées

À la manoeuvre, une certaine Katherine Earle, ex- responsable de la

Commission des Affaires étrangères à la Chambre. Elle a posé des questions sur

« une éventuelle dépendance de l’industrie nucléaire française à l’égard de

l’industrie russe, en particulier sur le volet cycle du combustible. Elle a demandé

des précisions sur la co-entreprise Framatome-Rosatom, destinée à fabriquer du

combustible nucléaire pour les réacteurs nucléaires de conception soviétique

VVER. Elle voulait notamment savoir si l’accord prévoyait le versement de royalties

et les raisons pour lesquelles cette entreprise n’avait pas été dissoute depuis le

début de l’invasion russe en Ukraine ».

Au sein de la direction de Framatome, ce câble diplomatique a fait l’effet

d’une bombe à fragmentation. Car cette entreprise publique dont EDF détient 80%

du capital, conçoit des centrales nucléaires et fournit des chaudières et des

combustibles nucléaires. La missive a produit un gros effet à Matignon, informé le

28 février 2024: la proposition de loi US a en effet des chances d’être adoptée et

l’entreprise française risque de se retrouver ainsi pénalisée au titre de

l’extraterritorialité de la loi US.

En effet, le gouvernement US de Jo Biden promet pareillement des mesures

de rétorsion touchant Rosatom et la série de sanctions récemment annoncée

contre l’économie russe est la plus importante depuis l’attaque russe en Ukraine.

Oukase yankee ?

Que se passerait-il si la France refusait cet oukase des USA ? Une façon de

punir Framatome serait de l’empêcher d’encaisser l’argent versé par Rosatom, ou

de priver Framatome de ses personnels américains, voire de s’en prendre à

Framatome Inc, filiale installée aux USA.

De plus, si la co-entreprise Framatome/Rosatom était ainsi neutralisée, son

rival américain direct, Westinghouse se retrouverait seul en piste pour

approvisionner en combustible compatible les réacteurs nucléaires des pays

d’Europe de l’Est de conception soviétique. Le marché représente un milliard

d’euros pour Framatome, qui avec son partenaire russe possède des contrats de

fourniture de combustible nucléaire en Bulgarie et en République

tchèque.Westinghouse pourrait empocher d’autres contrats comme celui de la

centrale nucléaire de Paks en Hongrie.

Joint par le Canard, le Quai d’Orsay réfute l’idée d’une guerre économique

avec les USA : « des concertations se tiennent avec nos alliés américains sur la

mise en place d’offres industrielles et commerciales permettant de se substituer à

l’offre russe. Framatome développe une solution en propre avec un objectif de

fournir du combustible nucléaire VVER pour 2030 ». En attendant, si Trump

parvient au pouvoir, Framatome a du souci à se faire, face à Westinghouse, même

si, ironie de l’histoire, les USA continueront d’acheter 30% de leur uranium enrichi à

Rosatom.

Véritable dépendance française de Rosatom ?

C’est une vérité qui dérange le discours officiel français : nos centrales

nucléaires françaises ne peuvent pas turbiner sans l’uranium enrichi russe. Chaque

année EDF a besoin de 1030 tonnes de ce combustible pour alimenter les 56

réacteurs nucléaires existants et ce besoin va s’accroître avec la relance nucléaire

en France et la construction de 14 EPR-2 et celle des SMR prévus.

Or la France achète un tiers de son uranium enrichi à Rosatom, comme

l’avait révélé le Canard du 7/12/2022, tout comme les USA pour faire fonctionner

leurs 93 réacteurs nucléaires. Si Rosatom reste le leader mondial du marché c’est

grâce à ses énormes centrifugeuses héritées de l’Union soviétique, capables

d’enrichir l’uranium à prix cassé. Notons de plus, que la France se fournit en

uranium naturel kazakhe et ouzbek qui est contrôlé par Rosatom pour son

extraction et son transport.

Comme quoi, la France est quasi pieds et poings liés à Rosatom, car elle a

perdu ses mines au Mali et le contrat d’extraction d’uranium naturel signé par

Macron avec le gouvernement de Mongolie extérieure ne peut suffire d’autant plus

que ce pays est enclavé entre Chine et Russie donc soumis aux aléas et pressions

de ces deux pays. D’autres aléas et accidents surviennent aussi dans la production

d’énergies renouvelables et leur stockage, domaine dans lequel la France est très

en retard par rapport à ses voisins européens :

Incendie d’usine de batteries au lithium ?

Depuis samedi 17 février 2024, un important incendie ravage le dépôt de la

Snam (Société nouvelle d’affinage des métaux) spécialisé dans le recyclage des

batteries au lithium à Viviez, près de Decazeville (Aveyron). 900 tonnes de batteries

brûlent, explosent et répandent des fumées hautement toxiques aux alentours.

Il risque de durer un bon moment, malgré les discours se voulant rassurant des

assurances et des officiels. Or, depuis l’incendie il y a un an, à Grand-Couronne

d’un site de batteries de Bolloré Logistics, ces discours lénifiants sont loin de

rassurer les riverains. En toute objectivité, l’industriel Bolloré n’est pas réputé pour

ses succès dans ce domaine, qu’on se souvienne du fiasco parisien de ses

voitures électriques en libre disposition « Autolib ». L’incendie de son parc de

batteries à Grand-Couronne a laissé un mauvais souvenir et celui de Decazeville

tout autant néfaste n’est pas destiné à rehausser sa réputation déjà entamée. Nous

avons les industriels « greenwashing » que nous méritons en France, lanterne

rouge européenne des énergies renouvelables !

Conclusions

Comme on le voit, les choix de relance du nucléaire imposés par Macron se

heurtent à de nombreuses difficultés : la filière EPR souffre toujours autant de ses

problèmes continuels de surcoûts phénoménaux et de ses retards accumulés et ce

n’est pas fini, puisque 14 EPR-2 doivent être construits d’ici 2045, si tout va bien …

Les nombreux SMR ( petits réacteurs nucléaires modulaires) qui devraient euxaussi

être construits pour décarboner l’industrie n’existeront pas avant une

décennie et posent le lourd problème de leur acceptabilité par les futurs riverains

de leurs installations proches des usines et des zones densément peuplées.

Le combustible nucléaire nécessaire aux 56 réacteurs nucléaires existants et

aux 14 futurs EPR-2 et aux nombreux futurs SMR dépend en grande partie de la

société d’Etat russe Rosatom qui rend la France très dépendante de la Russie. Les

USA veulent la priver de cette ressource indispensable par un projet de loi en voie

d’adoption qui remet en cause la co-entreprise Framatome/Rosatom pour la

fourniture de combustible nucléaire pour les centrales nucléaires d’Europe de l’Est

et vise à exclure l’uranium russe par des sanctions nouvelles.

Comme il est loisible de le constater, la relance nucléaire française est

lourdement handicapée par tous ces freins et obstacles de tous ordres. Né

voudrait-il pas mieux de changer notre fusil d’épaule et de développer les énergiesrenouvelables plus sûres, moins coûteuses et plus rapides à mettre en oeuvre ?

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