par Philippe Bach
Editorial du quotidien Le Courrier, Genève, 12 mars 2015.
Un anniversaire dont on se passerait bien. Il y a quatre ans, la centrale nucléaire de Fukushima était le siège d’une catastrophe majeure, avec la fusion partielle du cœur de trois réacteurs. D’énormes quantités de radioactivité ont été et continuent d’être relâchées dans la biosphère. Hier, les milieux antinucléaires ont rappelé en plusieurs endroits du monde et en Suisse les dangers que cette industrie fait courir à la planète.
On relèvera que pour une catastrophe de cette importance –certains calculs épidémiologiques laissent envisager 1 million de cancers supplémentaires –, on en sait finalement très peu. Une nouvelle illustration du fait que nucléaire et démocratie ne font pas bon ménage. Cette technologie est si dangereuse qu’elle implique le risque d’une dérive policière de l’Etat. Et elle ne s’accommode pas de la transparence inhérente à l’Etat de droit. Une omerta qui va jusqu’à contaminer le monde scientifique. On l’a vu avec la catastrophe de Tchernobyl, où l’Organisation mondiale de la santé défend des positions si éloignées de la réalité que cela en devient risible. Explication: cette organisation onusienne est en fait soumise à la toute puissante Agence internationale pour l’énergie atomique. Elle a fait sienne pendant des années la grotesque affirmation que Tchernobyl aurait fait quelques dizaines de morts, là où sur la durée on s’approche doucement du demi-million.
Ce phénomène se vérifie aussi au Japon où le gouvernement a même fait passer une loi ad hoc qui verrouille l’information et permet de poursuivre les journalistes qui auraient la mauvaise idée de contester le discours officiel ou de poser des questions dérangeantes.
Et en Suisse, hier, l’Alliance Non au nucléaire, qui regroupe l’entier des organisations opposées à l’atome, a rappelé que la vigie qu’elle a installée devant l’IFSN (Institut fédéral de sûreté nucléaire) pour protester contre la centrale de Beznau se heurte à l’intransigeance des autorités de la commune de Brugg. Celles-ci interdisent toute manifestation de plus de six personnes et tolèrent un maximum de deux drapeaux. Une décision bureaucratique qui n’aurait pas dépareillé dans feu l’URSS. Quelque 800 recours ont été déposés contre cette entrave à la liberté de manifester et d’expression.
Au-delà de nos vies et de la préservation de la biosphère, ce sont donc aussi les fondements de la démocratie qui sont en jeu. La lutte antinucléaire est aussi un combat pour les libertés fondamentales. Elle nous concerne donc à double titre.