Pierre Péguin, mai 2022
Atomes crochus No 6
Pour l’arrêt du nucléaire
La bataille idéologique autour du nucléaire est relancée depuis peu. En cause, la question du climat qui mobilise beaucoup de jeunes et de militants écologistes. Pour le lobby du nucléaire, confronté à de multiples difficultés et au bord de la faillite, c’est inespéré ! Il mobilise ses réseaux pour prétendre que sa production électrique est «décarbonée», que l’arrêt du nucléaire en Allemagne s’accompagne de l’augmentation de la consommation de charbon, et que les énergies renouvelables posent trop de problèmes.
Le spectacle a de quoi déconcerter. Alors que le mouvement écologiste s’est construit dans les années 70 en France contre l’essor de l’industrie nucléaire, nous voyons cette dernière tenter aujourd’hui d’investir nos terrains de lutte. L’offensive est générale. Elle se fait à grands coups de campagnes publicitaires avec le soutien d’élus et d’influenceurs, tels que J.M. Jancovici de Shift Project, dans le but de convaincre l’opinion publique d’accepter la construction de nouveaux réacteurs.
Le combat est particulièrement intense auprès de la Commission européenne et du Parlement européen. L’enjeu est de taille : il s’agit pour le Gouvernement français d’obtenir que l’Europe classe le nucléaire comme une «énergie verte » prétendument «décarbonée ». Pour cela, Emmanuel Macron s’allie à certains États peu fréquentables tels que la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie ; en échange de leur soutien, il s’engage à fermer les yeux sur le charbon polonais et à œuvrer à la qualification d’énergie « verte » du gaz naturel ! Le Parlement européen donnera-t-il son accord à ces manœuvres ?
Le sujet s’est infiltré dans la campagne présidentielle, entre les pro-nucléaire (le PC, toute la droite et l’extrême-droite) et les rares anti (NPA, FI, EELV) qui n’appellent qu’à un arrêt progressif calqué sur le scénario Negawatt. L’opposition radicale appelant à l’arrêt au plus vite pour nous épargner d’avoir à subir une catastrophe atomique a donc été absente des débats….
Et si deux des six scénarios présentés par le réseau de transport d’électricité RTE montrent bien que nous pourrions produire une électricité 100 % renouvelable sans recourir au nucléaire, il n’est question bien sûr que de construire de nouveaux réacteurs, que réclame même la Cour des comptes ! Dans le même temps en France, les déclarations se succèdent annonçant l’imminence de la décision de construire de nouveaux EPR, et même de lancer une filière de petits réacteurs, tandis qu’en sous-main et sans attendre les autorisations officielles, EDF passe déjà ses commandes. Le fiasco de la construction de réacteurs EPR en cours, les difficultés financières d’EDF et d’Orano/Areva sauvés de la faillite par les contribuables n’empêchent pas nos dirigeants de foncer dans le mur.
Comme dans les pays voisins, il faut appeler à l’arrêt du nucléaire, et à la promotion de la sobriété énergétique en même temps que celle des énergies renouvelables. À l’inverse, les décisions de l’État, enrobées de beaux discours, nous engagent vers une société gourmande en électricité et en énergie. La surenchère dans le soutien au nucléaire d’une bonne partie de la classe politique est tout simplement lamentable et même criminelle. Les générations futures méritent mieux que ces propositions d’un autre âge, d’autant que la tragédie de la guerre en Ukraine montre comment l’existence de centrales nucléaires fragilise et menace un pays qui en est équipé !