Propos recueillis pat Philippe Bach
Le Courrier, Genève, 6 mai 2015
La population s’est mobilisée. Les manifestations ont été réprimées faisant dans un cas, en avril 2011, un mort et trente-cinq blessés par balles, relève Pradeep Indulkar (en médaillon), l’auteur du documentaire sur la centrale de Jaitapur. Source : Pradeep Indulkar/LDD
Un film contre le projet d’Areva d’une mégacentrale nucléaire à Jaitapur.
Pradeep Indulkar projette son documentaire sur le projet de centrale de Jaitapur (Inde). Ce soir au Grütli. Bientôt dans plusieurs villes romandes.
Le plus gros projet électronucléaire mondial est… indien. Il est en effet prévu d’ériger, sur le site de Jaitapur (Etat du Maharashtra), à mi-chemin entre Bombay et Goa, sur la côte indienne de la mer d’Oman, pas moins de six unités de 1650 MW (mégawatts) de puissance électrique. Des centrales de type EPR (réacteur pressurisé européen) – la nouvelle génération de centrales –, livrées clés en main par Areva. Ce soir, Pradeep Indulkar, ancien ingénieur actif dans le programme nucléaire indien et devenu depuis un lanceur d’alerte, présente au Grütli son dernier documentaire: Jaitapur Live ! Interview.
Ph.B.
Quelle est la taille du parc électronucléaire indien?
Pradeep Indulkar:
L’Inde compte officiellement environ vingt-deux réacteurs en service. Cela représente environ
3,5% de la production électrique de mon pays. Ce faible pourcentage est aussi lié au fait qu’il s’agit de centrales de petites tailles car anciennes.
Ph.B.
Le projet que vous combattez signifie donc une montée
en puissance?
Pradeep Indulkar:
Oui. C’est un projet gigantesque qui représente une puissance électrique installée de 9900 MW (plus de huit fois le projet de Superphenix, le surgénérateur qu’il était prévu d’implanter à Creys-Malville, ndlr). Outre les six tranches de la centrale, des indices nous laissent penser que le site accueillera aussi une usine de retraitement des déchets radioactifs. Une installation du type de celle de la Hague, en France. Ce qui présente un risque supplémentaire de pollution radioactive.
Ph. B.
Dans votre documentaire, vous montrez que la population concernée n’en veut pas.
Pradeep Indulkar:
Les habitants de cette région sont très inquiets. Ils suivent attentivement les problèmes à répétition de l’EPR de Flamanville, en France. Ils craignent des atteintes à l’environnement. La pêche est une ressource très importante pour ces populations. Ces six unités relâcheront 20 000 MW de chaleur dans l’eau. La région est aussi très réputée pour ses mangues. Or ce fruit est très sensible aux variations de températures. Enfin, 750 hectares de terres arables ont déjà été soustraits à l’agriculture par la construction d’une muraille de protection autour du site, alors que de nombreux paysans refusent de vendre.
Ph. B.
La proximité de la mer fait-elle craindre le risque d’un tsunami?
Pradeep Indulkar:
Le sous-sol sur lequel il est prévu de construire cette centrale est instable. Donc, il est prévu d’abaisser tout le site de 25 mètres à7 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cela le rend plus vulnérable à une vague géante. A cela il faut ajouter que la région est très sensible du point de vue sismologique. Il y a eu nonante-deux épisodes de tremblements de terre en vingt ans.
Ph. B.
Pourquoi avez-vous entamé cette tournée européenne?
Pradeep Indulkar:
Le projet de Jaitapur est un projet d’Areva, une entreprise franco-allemande. Je compte aussi aller dans ces deux pays. Un accord cadre a été conclu entre les autorités indiennes et cette entreprise chargée du nucléaire. Si cette déclaration d’intention débouche sur une commande en bonne et due forme, cela signifie qu’Areva livrera cette centrale clés en main. Ce qui pose des problèmes en matière de contrôle démocratique, voire de sécurité. J’essaie de sensibiliser la société civile au fait que de nombreuses entreprises sont impliquées en tant que sous-traitants ou comme financiers, comme HSBC et Paribas. En Suisse, Sulzer est un des contractants. Le but est aussi de faire pression sur cette entreprise qui a des comptes à rendre à ses actionnaires. Sept autres projets du même type existent en Inde, impliquant à chaque fois un autre acteur mondial du nucléaire, comme par exemple l’étasunien Westinghouse ou le russe Rosatom.
DOCUMENTAIRE
Jaitapur Live,
Un documentaire de Pradeep Indulkar, soustitré en français, trente-trois minutes.
Les projections prévues en Suisse romande:
> Genève: mercredi 6 mai, 19h30, Grütli (fonction: cinéma), rue du Général-Dufour 16.
> Martigny: Vendredi 8 mai, 19h30, salle du Vampire, rue des Petits-Epiney 7.
> Morges: mercredi 13 mai, 20h. Foyer Beausobre, av. de Vertou 2.
> Neuchâtel: lundi 18 mai, 20h., Muséum d’histoire naturelle, rue des Terreaux 14.